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Restauration Métaphysique

Restauration Métaphysique
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11 mars 2008

28.Réfutation du darwinisme (6)

5.2. Objections relatives aux mutations

Darwin et les premiers transformistes parlaient de « variation ». Ce n’est qu’avec la découverte des lois de l’hérédité de Mendel que l’on a assimilé variation à mutation. Salet (2003, p.53) définit les mutations ainsi : « Les mutations consistent en modifications qui apparaissent brusquement sans causes apparentes chez un individu donné et qui se transmettent héréditairement selon les lois de Mendel. » Elles consistent en modifications aléatoires de l’ADN. Comme le rappelle Denton (1985), « tirées (…) du règne du pur hasard, elles sont donc complètement aveugles aux effets qu’elles peuvent entraîner sur le fonctionnement ou la structure de l’organisme où elles se produisent.[1] » Ayant lieu au hasard ; elles obéissent aux lois du hasard.

5.2.1. Seules les mutations sur des caractères accessoires semblent viables

Les mutations sont le plus souvent nuisibles aux êtres vivants car ce sont des systèmes très complexes dans lesquelles on ne peut provoquer de modifications importantes sans les détraquer. Dès lors, la disparition des mutants est une règle générale, leur survie une exception rarissime. Les seules mutations viables sont celles qui portent sur des caractères secondaires (couleur des yeux, système pileux, organes non indispensable comme les cornes…). Du coup, de nombreuses mutations sont sans doute neutres du point de vue de leur valeur sélective : elles ne sont ni favorisées, ni rejetés par la sélection naturelle.

En revanche, dès qu’elles portent sur des fonctions essentielles  (respiration, circulation, digestion…) elles sont le plus souvent létales ; et on observe qu’elles le sont même à un stade plus ou moins précoce de l’embryon.

L’évolution des fonctions essentielles représente en effet une formidable difficulté. Comment envisager des organes intermédiaires entièrement fonctionnels ? Car les fonctions vitales comme la respiration semblent plutôt régies par la loi du tout ou rien.

5.2.2. La nécessité de macromutations, lesquelles sont impossibles.

Le cœur du problème réside dans la nécessité que la mutation soit un organe, c’est-à-dire quelque chose qui soit apte à exercer une fonction qui se révèle avantageuse. La sélection naturelle ne peut opérer qu’à partir du moment où l’avantage est constitué. Dans le cas d’une transition graduelle, il faudrait pouvoir traverser des milliers d’années avant d’obtenir un avantage permettant à la sélection naturelle d’opérer ; période durant laquelle l’organe en formation constitue sans doute plutôt un handicap. Il faut donc envisager des sauts : des macromutations. Mais comme le souligne Salet (2003, p. XXVII) « Pour qu’apparaisse une fonction nouvelle, il faut que des mutations aléatoires confèrent simultanément à plusieurs gènes des caractères complémentaires ». Il faut en outre que le nouvel organe soit coordonné avec le reste de l’organisme : que la fonction qu’il accomplit soit complémentaires et en corrélation avec celles des autres organes et que de nouveaux systèmes de régulations de l’organisme assurant les corrélations avec les autres organes apparaissent.

Salet (2003, p. 203-204) résume parfaitement le problème : « la probabilité d’obtenir un organe nouveau viable et coordonné au reste de l’organisme est le produit de plusieurs probabilités :

-         - probabilité p1 pour que s’établisse l’ontogenèse de quelque chose de nouveau. Cette probabilité (…) à elle seule inférieure au seuil d’impossibilité,

-         -probabilité p2 que ce quelque chose de nouveau soit un « organe », c’est-à-dire quelque chose susceptible d’exercer une fonction

-         probabilité p3 pour que ce nouvel organe s’intègre au reste de l’organisme ce qui suppose une régulation nouvelle et une refonte des anciennes régulations.

Quelle que soient les hypothèses où l’on se place, on peut affirmer en tout sûreté qu’il est impossible que le produit de ces trois possibilités soit supérieur à 10 exp –50. L’apparition d’un organe nouveau par une série de mutations se produisant au hasard est donc radicalement impossible. »

Darwin pensait lui-même que l’apparition soudaine d’une structure adaptative nouvelle ou d’un organe eut tenu du miracle : « Quiconque croît qu’une forme ancienne a été subitement transformées (…) serait, en outre, forcé de croire à la production subite de nombreuses conformations admirablement adaptées aux autres parties du corps de l’individu et aux conditions ambiantes (…). Or, admettre tout cela, c’est selon moi, quitter le domaine de la science pour entrer dans celui des miracles. [2]»

5.2.3. La nécessité de macromutations coordonnées. 

Non seulement faut-il que le nouvel organe s’intègre parfaitement dans l’organisme, mais, en outre, doit survenir en même temps d’autres organes nécessaires pour conférer un avantage. Par exemple, Staune (2007) souligne que le passage à la bipédie nécessite au moins une mutation supplémentaire (d’autres sans doute sont nécessaires), celle de l’oreille interne, laquelle est nécessaire pour marcher droit. Autrement dit, une macromutation doit s’accompagner d’autres macromutations.

5.2.4. La nécessité de co-évolutions. 

De plus, un certain nombre d’évolutions réclament une co-évolution. C’est le cas du parasitisme (certaines espèces nourrissent malgré elles une ou plusieurs espèces parasites), de la symbiose ou du mimétisme des papillons (parfois même d’espèces comestibles, ce qui n’apporte aucune protection) ; chez les végétaux, des plantes grimpantes, des plantes insectivores, des plantes pollinisées  par des insectes (comme certaines orchidées par des abeilles).

5.2.5. La microévolution comme révélateur de l’improbabilité de la macroévolution

La microévolution, mise en évidence par la sélection artificielle, révèle à la fois une certaine souplesse ou plasticité des espèces et une certaine fidélité à la forme de l’espèce. Les microévolutions se traduisant par l’apparition de races distinctes semblent dessiner par la même occasion les contours de l’archétype d’une espèce en révélant les caractéristiques invariantes et distinctives. En dépit de l’immense variété des races de chiens, celles-ci demeurent des chiens. En d’autres termes, la microévolution semble révéler les limites mêmes que l’évolution ne peut  franchir : celles précisément de la macroévolution.


[1] Denton (1985), op.cit. p.317.

[2] Darwin, cité par Denton (1985), op.cit.p.317.

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18 février 2008

27. Réfutation du darwinisme (5)

5. Arguments biologiques

5.1. Les objections relatives à l’évolution.

5.1.1. L’extrême unité de monde vivant.

La biologie moléculaire a révélé l’unité de composition et de fonctionnement du monde vivant. Comme le rappelle Denton (1992), elle « a montré que la conception fondamentale du système cellulaire est essentiellement la même chez tous les êtres vivants, des bactéries aux mammifères. Dans tous les organismes, les rôles de l’ADNm de l’ARNm et des protéines sont identiques.[1] » 

En outre, les ressemblances anatomiques et physiologiques entre les espèces sont troublantes et suggèrent des liens de parenté et par conséquent une filiation commune, une évolution à partir d’une même souche. En effet, on ne peut que s’étonner, par exemple, que tous les vertébrés ont deux yeux, deux oreilles, quatre membres, ou un seul cœur. 

5.1.2. Le caractère des espèces n’est pas immuable.

On constate que le caractère des espèces n’est pas immuable. On observe des microévolutions qui entraînent des modifications de caractères secondaires mais sans l’apparition d’organes nouveaux.

5.1.3. L’extraordinaire stabilité et discontinuité des espèces vivantes.

Les archives fossiles et la nature observable aujourd’hui offre une image fondamentalement discontinue du monde vivant.

Les plus vieux fossiles trouvés de vertébrés ou d’invertébrés datant du Cambrien (environ 600 millions d’années) dévoilent que la plupart des grands phylums sont déjà constitués et bien différenciés. Idem pour les plantes. Quand de nouveaux phylums apparaissent par la suite, comme les amphibiens, ils sont distincts et isolés dès leur émergence et aucun groupe ne peut être considéré comme leurs ancêtres.

On observe dans la nature des fossés immenses entre les différents types sans formes transitoires pour combler les fossés.

De plus, on ne peut discerner d’évolution de la composition et du fonctionnement du monde vivant. Comme le note Denton (1992) « Sur le plan biochimique, aucun système vivant ne peut donc être considéré comme primitif ou ancestral par rapport à un autre.[2] » Monod (1970) l’affirme : « Le système vivant le plus simple que nous connaissions, la cellule bactérienne (…), avait peut être atteint son état de perfection il y a plus d’un milliard d’années. Le plan d’ensemble de la chimie de cette cellule est le même que celui de tous les êtres vivants. Elle emploie le même code génétique et la même mécanique de traduction que les cellules humaines, par exemple. Ainsi les cellules les plus simples qu’il nous soit donner d’étudier n’ont rien de « primitif » (…), les vestiges des structures vraiment primitives sont indiscernables. [3]»

La génétique nous a permis de progresser dans la connaissance des mécanismes de transmission de la vie, lequel est extrêmement conservateur. Le processus de duplication à partir de l’ADN des géniteurs vise à engendrer des « copies conformes » : d’où le terme de reproduction. Les lapins engendrent toujours des lapins et jamais des renards. Il n’existe pas de preuves d’un évolutionnisme progressif comportant l’apparition de nouveaux organes (macroévolutions).

5.1.4. On dispose de preuves que certaines espèces n’évoluent pas. 

Ces espèces sont dites panchroniques ; ce sont de véritables fossiles vivants. Par exemple, il subsiste toujours aujourd’hui des bactéries ou des algues bleues. Le Coelacanthe (un poisson dit primitif) est resté stable pendant  plus de 300 millions d’années. Des espèces d’insectes comme les cafards et les libellules ont plus de 100 millions d’années. On a retrouvé des mouches drosophiles de 50 millions d’années. Or, comme beaucoup d’insectes, ces espèces mutent énormément (et bien plus que les primates par exemple) ; la mouche drosophile jouit d’une fréquence particulièrement élevée de mutations. Pourtant ces espèces manifestent une absence totale d’évolution.

Trois enseignements principaux peuvent être tirés de l’existence de ces espèces panchroniques  :

-         Certaines espèces auraient donc une capacité à évoluer, d’autres en seraient dépourvues ou l’auraient perdu.

-         Les espèces panchroniques démontrent que la complexification n’est pas un phénomène universel. Les formes les plus simples n’ont pas complètement disparues ; celles-ci parviennent à survivre. 

-         Muter et évoluer sont deux choses différentes. Les espèces panchroniques démontrent que l’évolution et la mutagenèse  sont deux phénomènes non liés l’un à l’autre car les espèces panchroniques mutent aussi bien que les autres. 

5.1.5. Il existe quelques indices d’un évolutionnisme limité et généralement régressif.

Il existe quelques indices d’un évolutionnisme limité et généralement régressif, c’est à dire caractérisé par la perte de fonctions ou d’organes, comme par exemple la formation du pied de Cheval par réduction des doigts  latéraux (Salet, 2003). 

5.1.6. Les discontinuités radicales dans l’évolution ne sont pas expliquées[4].

La liste que nous fournissons n’est évidemment pas exhaustive. En réalité, il existe une foule d’autres étapes pour lesquelles aucune explication en termes d’évolution graduelle n’a été trouvée[5].

L’origine de la vie : la discontinuité radicale entre le monde vivant et le monde inorganique.

Pour que le darwinisme soit vrai, il faut prouver l’existence d’une continuité absolue entre le monde vivant et le monde inorganique. Charles Darwin a prétendu expliquer la transformation de la vie, non son origine. Toutefois sa théorie l’implique ; ce que tous les biologistes évolutionnistes ont généralement soutenu, à commencer par Thomas Huxley[6]. Autrement dit, les darwiniens s’efforcent d’expliquer non seulement l’évolution biologique (transformation des êtres vivants) mais aussi l’évolution moléculaire (le passage de la matière inerte à la matière vivante, le passage de composés chimiques à des macro-molécules organiques). Or celle-ci pose plusieurs problèmes.

Premièrement, si la vie est sortie de la matière inerte, ce ne peut être que suivant les lois qui la régissent, c’est-à-dire, les lois de la physique (mécanique, thermodynamique, chimie, électricité…). A ce stade, la sélection naturelle ne peut encore opérer puisqu’il n’y a pas encore d’êtres vivants dotés de la propriété de se reproduire. Or les seules lois de la Physique ne peuvent rendre compte de l’apparition de la vie.

-         D’après les lois de la thermodynamique, la matière en elle-même a un devenir : celui décrit par la loi de l’entropie d’une dispersion d’énergie ou d’une répartition de la matière dans les milieux qu’elle occupe. Or, la vie, contrairement à la matière, est néguentropique, c’est à dire, qu’elle fait le chemin inverse de la matière : elle est capable de concentrer l’énergie.

-         Tous les êtres vivants présentent trois facultés dont la matière inerte est dépourvue :

o       l’assimilation : le pouvoir d’emprunter des substances au milieu environnant et de les incorporer à leur propre structure après des transformations chimiques appropriées.

o       l’auto-reproduction : le pouvoir des êtres vivants de fabriquer des êtres vivants identiques. On observe ainsi qu’un être vivant provient toujours d’un autre être vivant qui lui est semblable : « omnis vivus ex vivo » , « omnis cellula ex cellula ».

o       l’accommodation ou auto-régulation : le pouvoir de subsister dans des conditions de milieu variables, et donc de s’adapter aux variations du milieu, dans certaines limites. Tout du moins.

- La plupart des molécules rencontrées en chimie minérale sont symétriques alors que la plupart des molécules de la chimie organique sont dissymétriques. La dissymétrie est un trait caractéristique de tous les êtres vivants. L’ADN est lui-même asymétrique, c’est-à-dire constitué d’une seule forme optique. La dissymétrie moléculaire chez les êtres vivants constitue selon Salet (2003, p.287) « l’argument à la fois le plus simple et le plus irréfutable que l’on puisse opposer à l’origine des êtres vivants par évolution de la matière inerte selon les lois de cette matière et du hasard. »

Enfin, les progrès de la biologie moléculaire tendent plutôt à creuser le fossé entre le monde vivant et le monde non-vivant. La complexité de la cellule bactérienne la plus simple est si grande qu’il est difficile d’admettre qu’elle ait pu être assemblée soudainement sans que l’on ne parle de miracle. C’est ainsi que le Prix Nobel, le biochimiste Francis Crick (1981) affirme: « dans un sens, l’origine de la vie apparaît presque aujourd’hui comme un miracle, tant sont nombreuses les conditions qu’il aurait fallu avoir satisfaites pour la mettre en marche.[7] »

Denton (1992) insiste sur cette formidable discontinuité : « Aujourd’hui, nous savons non seulement qu’il existe un hiatus entre le monde inerte et le monde vivant, mais aussi que celui-ci représente la plus spectaculaire et la plus fondamentale de toutes les discontinuités de la nature. Entre une cellule vivante et le système non biologique le plus ordonné, tel le cristal ou le flocon de neige, il y a un abîme aussi vaste et absolu qu’il est possible de concevoir.[8] »

L’apparition de la sexualité.

Le passage d’organismes asexués autoreproducteurs à des organismes dont la reproduction nécessite la présence de deux êtres sexués est difficile à expliquer. Soit un être sans sexe a donné naissance à un rejeton mâle et à un rejeton femelle ; soit au même moment et au même endroit deux êtres asexués ont donné naissance l’un à un mâle, l’autre à une femelle qui ont pu s’accoupler. Et ce type de miracle a dû se produire deux fois : une fois chez les animaux et une fois chez les végétaux.

Il reste à expliquer pourquoi le sexe a été retenu par la sélection naturelle ; en d’autres termes, à trouver sa valeur sélective. Si l’on compare la valeur sélective des reproductions clonale et sexué, il ressort que la démographie de la lignée clonale est beaucoup plus avantageuse que celle de la lignée sexuée. Patrick David et Sarah Samadi (2000) l’admettent ainsi : « A court terme, l’avantage démographique de la reproduction clonale devrait donc l’emporter : les modèles théoriques prédisent qu’en dehors des situations extrêmes, un organisme strictement clonal a toujours un avantage sélectif par rapport aux individus pratiquant le sexe obligatoire. » Ils poursuivent plus loin : « La sélection naturelle au niveau de l’individu est défavorable au sexe. En effet, pour un individu, le désavantage démographique du sexe est immédiat, mais l’avantage génétique ne s’exprimera qu’au bout de nombreuses générations : pour être plus précis, à la génération future des descendants qui subira un changement de l’environnement. Or, la sélection naturelle ne préserve pas les individus en fonction des performances de leur descendance future. [9]»

Le passage entre les grandes divisions de la nature

A défaut de l’observer dans les archives fossiles, il faudrait pouvoir montrer que le passage entre les grandes divisions de la nature est possible, en étant capable d’inventer une série convaincante de formes intermédiaires fonctionnelles. Or d’innombrables difficultés apparaissent, notamment au passage de chaque grande division de la nature : les nombreuses transformations majeures nécessaires demeurent largement inexplicables.

Le passage des poissons aux amphibiens. On peut s’interroger pourquoi des poissons auraient cherché à sortir du milieu aqueux pour affronter un milieu hostile. Quand bien même un poisson aurait subi une mutation lui permettant de tenir quelques secondes hors de l’eau, encore faudrait-il qu’il se soit « aperçu » qu’il dispose de cette capacité, et ensuite qu’il surmonte son instinct de survie pour ramper hors de l’eau sans certitude de pouvoir y revenir, car ramper nécessite des membres capables de supporter un mouvement terrestre.

Le passage des amphibiens aux reptiles nécessite notamment la transformation de l’œuf amphibien en œuf amniotique caractéristique du reptile.

Le passage des reptiles aux oiseaux nécessite notamment l’homéothermie[10], un nouveau système respiratoire, et des ailes munies de plumes. L’archéoptéryx est souvent cité comme chaînon intermédiaire. Possédant des plumes, il s’apparente davantage à un oiseau qu’à un intermédiaire entre les reptiles et les oiseaux.

Le passage des reptiles aux mammifères nécessite notamment l’homéothermie, la viviparité avec développement interne de l’embryon, ou la lactation. D’après Salet (2003), « sur le seul plan du squelette, il y a une barrière infranchissable entre les Reptiles et les Mammifères : ce sont les constitutions différentes de l’oreille moyenne et de l’articulation de la mandibule et entre lesquelles aucun passage continu n’est concevable et ceci pour des raisons fonctionnelles impérieuses. [11]»

Le passage de l’animal à l’homme nécessite notamment l’apparition de la bipédie, de la conscience et du langage. En outre, on observe qu’un homme a besoin d’autres hommes pour devenir un homme. Des primates auraient donné naissance au premier homme doué de conscience que celui-ci n’aurait pu la développer. Ses parents auraient été incapables de lui apprendre un quelconque langage.

Les darwiniens, fidèle à la rhétorique de Darwin dans l’Origine des espèces, n’expliquent pas comment les transitions s’opèrent, et sont incapables de concevoir des stades intermédiaires fonctionnelles mais ils ne voient pas pour autant « de difficultés insurmontables » à ce que les choses se soient produites suivant leur théorie. Comme nous l’avons vu, ils raisonnent de manière tautologique et par pétition de principe : on pose au début ce qu’il faut démontrer : si l’évolution graduelle est vraie, les intervalles ont dû être comblés graduellement !

La métamorphose

La métamorphose est un phénomène très répandue chez les invertébrés (papillons, coléoptères, abeilles, fourmis…). Denton (1992) la résume ainsi : « (…) un type d’organisme fonctionnel est désagrégé en une sorte de brouet nutritif duquel émerge un type d’organisme entièrement différent. [12]»

Elle semble difficilement explicable par un processus d’évolution graduelle. 

5.1.7. Les formes intermédiaires sont biologiquement et morphologiquement impossibles car non viables

On parvient assez bien à concevoir des évolutions graduelles par sélection naturelle le long d’un continuum fonctionnel évident s’acheminant vers un objectif adaptatif particulier, comme par exemple, l’évolution de la coloration blanche de l’ours polaire ou d’une nouvelle souche de bactérie résistant à la pénicilline. Il en est tout autrement quand l’évolution met en jeu l’apparition de nouveaux organes formidablement complexes. Denton (1985) prend l’exemple des oiseaux. Les plumes et le système respiratoire sont tellement complexes et adaptés à leur fonction que toute évolution graduelle les mettrait hors d’usage.

Comme Cuvier le pensait, les grandes divisions de la nature paraissent des discontinuités infranchissables : « Les grandes divisions de la nature sont enracinées dans la nécessité, et les formes intermédiaires ne peuvent exister, parce qu’elle sont incohérentes et non fonctionnelles. [13]»

Stephen Jay Gould en convient : « Peut-on inventer une séquence de formes intermédiaires raisonnable – c’est-à-dire d’organismes viables, capables de fonctionner- entre ancêtres et descendants pour les grandes transitions structurelles ? Je pense, bien que cela ne reflète peut être que mon manque d’imagination, que la réponse est non (…) [14]»

L’évolution par modification graduelle tel que l’envisage Darwin paraît donc peu crédible. L’évolution par « saltation » constitue l’autre possibilité.

[1] Denton (1992), op.cit., p.258.

[2] Ibid.

[3] J. Monod (1970), Le hasard et la nécessité, Seuil/Points science, Paris, p.181.

[4] La liste n’est pas exhaustive. Le passage des invertébrés aux vertébrés constitue également une autre discontinuité radicale.

[5] L’origine de nombreux invertébrés et insectes posent problèmes en termes d’évolution graduelle.

[6] « Lors que je me retourne pour scruter les prodigieux horizons du passé, je n’y vois aucune trace du commencement de la vie, et je suis donc dépourvu de tout moyen d’aboutir à une conclusion précise (…), mais (…) s’il m’était donné de regarder au-delà de l’abyssse des temps géologiquement connus, de découvrir la période encore plus ancienne où la terre supportait des conditions physiques et chimiques qu’on ne pourra jamais plus revoir (…) je m’attendrais à observer l’évolution du protoplasme vivant à partir de la matière inerte. » Huxley T.H (1894) cité par Denton (1992, p.259)

[7] Crick F.H.C. (1981, p.88), Life Itself, Simon and Schuster, New York. Cité par Denton (1985, p.281).

[8]  M. Denton (1985), op.cit. p.258.

[9] Patrick David et Sarah Samadi (2000), La Théorie de l’évolution Une logique pour la biologie, Champs Université Flammarion, p.159 et p.161.

[10] Système régulateur de la température interne.

[11] Salet (1972), op.cit., p.254.

[12] Michael Denton (1985), op.cit. p. 228.

[13] Michael Denton (1985), op.cit. p.220.

[14] Stephen Jay Gould (1980), The Panda’s Thumb, WW Norton and Co. New York, p-189 cité par Denton (1985), p.236.


12 février 2008

26. Réfutation du darwinisme (4)

4. Arguments épistémologiques

On peut réfuter le darwinisme en s’interrogeant sur sa valeur scientifique, son degré de certitude scientifique.

1. Le darwinisme est une théorie non une vérité. On ne peut pas considérer l’évolution - entendue dans le sens de macro-évolution- comme un « fait », car elle n’est ni observable, ni mesurable, ni modélisable. Faut-il alors rappeler cette évidence épistémologique : aucune théorie n’est acquise une fois pour toute ; la science progresse par « erreurs rectifiées » - un autre nom pour théorie. Aucune théorie ne peut donc se prévaloir de passer l’épreuve du temps ; la théorie darwinienne moins que d’autres[1].

Mais est-ce vraiment une théorie scientifique?

2. Si le darwinisme repose sur une tautologie, comme nous l’avons vu précédemment, elle n’est qu’un raisonnement vide qui n’explique rien.

En outre, plusieurs autres objections peuvent être avancées pour lui refuser le statut de théorie scientifique.

3. Le darwinisme est une théorie sur l’apparition d’événements uniques, singuliers et contingents. Le darwinisme veut expliquer des événements historiques qui, par définition, ne se sont produits qu’une fois. François Jacob (1970), reconnaissait que : « Pour une théorie scientifique, celle de l’évolution présente le plus grave des défauts : comme elle se fonde sur l’histoire, elle ne se prête à aucune vérification directe. [2]» Il n’existe pas de science de l’évènement unique ; la science traite des phénomènes qui se répètent[3] ; la science se fonde sur des lois universelles et nécessaires et non pas sur des évènements singuliers et contingents. Comme le souligne Denton (1992) : « La science ne traite que des événements récurrents et reproductibles. Un événement unique ou très improbable ne peut jamais être soumis à une investigation scientifique. Si la vie est limitée à la Terre, cela signifie alors qu’elle n‘est apparue qu’une fois dans l’histoire cosmique, ce qui – par essence – exclurait toute approche scientifique du problème de son origine. On ne peut asseoir l’étude de l’origine de la vie sur une base vraiment scientifique que si la possibilité de l’unicité de la vie – sur la Terre- est exclue. [4]» Dans cette perspective, l’hypothèse de l’existence de formes de vie extraterrestre représente un enjeu majeur. Si l’on découvre l’existence de vie extra-terrestre, si la vie est apparue en plusieurs endroits de l’univers par des moyens parfaitement naturels, fruit d’un environnement planétaire approprié, alors le problème de l’origine de la vie appartient exclusivement à la science. Il ne s’agit plus d’un miracle mais d’un phénomène statistique. Mais la recherche de vie extraterrestre n’a pour l’heure rien donné. Depuis l’envoi de la sonde Viking sur Mars, l’on sait que la seule planète du système solaire capable probablement d’abriter la vie,  est… sans vie.

Si la vie n’est apparue qu’une seule fois ; cela signifie que sa probabilité a priori était quasi-nulle.

4. Le darwinisme repose abusivement sur l’imagination.

On observe une place excessive de l’imaginaire dans la littérature darwinienne,  notamment :

-         dans l’interprétation des archives fossiles pour reconstituer l’arbre généalogique du monde vivant. En raison d’une information très parcellaire sur le passé, le paléontologue Yves Coppens (1983) reconnaît que les paléontologues sont obligés de faire un usage immodéré de l’imagination: « La paléontologie est très rigoureuse dans ses fonctions d’observations directes et comparées, comme toutes les autres sciences naturelles ; mais de par la nature fragmentaire de son information, elle a en plus l’extraordinaire devoir d’imaginer. Or, elle a beau s’appuyer sur les données disponibles, s’aider des approches des disciplines voisines, lorsqu’il lui faut raconter, la part qu’elle emprunte à l’hypothèse est immense.[5] » On aimerait que les conteurs de l’odyssée de l’espèce humaine rappelle la part d’imaginaire qu’ils y glissent.

-         Dans l’explication du processus d’adaptation et de sélection. Chauvin (1997) fournit quelques exemples d’absurdités et d’affirmations non fondées qui fourmillent dans la littérature darwinienne. Par exemple, Crook (1972) explique que certains oiseaux à berceau sont monogames parce que la nourriture est peu abondante ; et d’autres espèces du même genre, monogames, parce qu’elle est abondante. Forsyth et Miyata (1984), expliquent que le paresseux prend le risque de descendre de son arbre, et ainsi de s’exposer aux prédateurs, pour déposer à son pied des excréments qu’il enfouit ensuite. Ce comportement aurait été sélectionné car il permettrait  de fertiliser l’arbre et de produire une nourriture végétale plus riche qui lui aurait permis d’avoir plus de descendants que les congénères qui laissaient tomber leurs excréments au hasard ! On est atterré par le manque de solidité des arguments.

5. La théorie darwinienne n’est pas falsifiable, ou réfutable, au sens de Popper. 

Pour Popper (1934), dans La logique de la découverte scientifique, le critère de démarcation entre la science et la pseudoscience réside dans la falsifiabilité. Une théorie n'est scientifique que si elle est falsifiable, c’est-à-dire, qu'elle doit pouvoir être soumise à des tests expérimentaux et contredite par des données empiriques : on doit pouvoir montrer que ce qu’elle dit devoir se produire ne se produit pas. Pour ce faire, on doit connaître quel est l'événement qui, s'il se produisait, nous mènerait à renoncer à l'hypothèse, ou du moins, à la transformer. La falsifiabilité ou réfutabilité est donc liée à la clarté de la théorie.

Par exemple, « tous les chats sont gris » est un énoncé falsifiable ; mais l’énoncé « Les chats sont soit gris, soit noir, soit d’une autre couleur » ne l’est pas. Dans le premier cas, il suffit qu’un chat ne soit pas gris pour que cet énoncé soit falsifié, réfuté. Le second énoncé est non falsifiable, car vrai, quel que soit le résultat du test. Un énoncé infalsifiable est un énoncé qui ne peut jamais entrer en conflit avec une observation ; conséquence : il ne nous apprend rien sur le monde.

L'exigence essentielle de la démarche scientifique n'est donc pas la vérité, mais la clarté dans la formulation des hypothèses, puisque cette clarté est une condition nécessaire pour déterminer quels sont les événements observables qui permettent de la falsifier.

Le darwinisme n’est pas falsifiable car il ne peut pas être soumis à des tests expérimentaux :

- les principaux concepts du darwinisme sont définis vaguement et ne sont pas mesurables (la sélection naturelle, l’adaptation au milieu, la valeur de survie des mutations ou la valeur adaptative (fitness)).

            - Les principaux concepts sont des sortes de boîtes noires qui permettent d’expliquer tout et son contraire. Pour Popper, le darwinisme n’est pas une théorie scientifique parce que la sélection naturelle est une explication fourre-tout qui peut rendre compte de tout, et donc n’explique rien.

En réalité, la théorie de Darwin présente un certain degré de falsifiabilité. Notamment, elle prévoit l’existence d’une multitude de fossiles attestant la transformation graduelle des espèces. Or, comme nous l’avons vu, rien de semblable n’est observable dans les archives géologiques.

6. Pas plus qu’il n’est réfutable, le darwinisme n’est vérifiable – ou, en termes poppériens, ne peut être « corroboré »-  par l’expérience, que ce soit par des observations ou par des expérimentations.

Le darwinisme ne peut être prouvé par des observations ou des faits. Il faudrait pouvoir observer l’apparition d’au moins une espèce nouvelle à partir d’une autre. Or il n’a jamais été possible pour l’heure de l’observer (si ce n’est dans le monde des bactéries, où la notion d’espèce est beaucoup plus floue). Il serait de toute façon difficile à partir de ces observations d’en inférer des conclusions valables pour tout le monde vivant. Les faits dont on dispose sont ceux de la paléontologie mais ils contredisent le darwinisme.

Le darwinisme ne peut être testé par des expérimentations. Les expériences sur le darwinisme se heurtent à des difficultés techniques. L’homme n’a jamais été capable de produire une espèce à partir d’une autre.

7. Le darwinisme est incapable de faire des prévisions.  Une théorie scientifique doit être capable de prévoir des événements avec un certain degré de précision. Certaines de ces prévisions doivent être risquées et exclurent certaines possibilités. Or, le darwinisme est incapable de prévoir quoi que ce soit.

Le statut épistémologique du darwinisme est donc celui d’une croyance ou d’une pseudo-science ; car le darwinisme n’est ni réfutable, ni vérifiable par l'observation et l'expérimentation, et ne permet pas de faire des prédictions. Von Bertalanffy pouvait écrire : « Q’une théorie si vague, si insuffisamment vérifiable, si éloignée des critères habituellement appliqués aux sciences expérimentales, soit devenue un dogme cela n’est explicable…que par des raisons sociologiques. La société et la science ont tellement baigné dans les idées du mécanisme, de l’utilitarisme et de la libre concurrence économique, que la sélection a remplacé Dieu comme ultime réalité. [6]»

Plusieurs raisons peuvent en effet expliquer que le darwinisme parvient à se maintenir comme paradigme explicatif de l’origine de la vie et de son évolution :

-         Les biologistes n’ont pas besoin de Darwin pour leur travail au quotidien. Finalement, peu de biologistes s’engagent dans le débat sur l’évolution. On peut même être biologiste sans avoir lu Darwin. Le darwinisme sert plutôt de cadre de pensée, d’arrière-plan mythologique à la profession.

-          Le darwinisme présente une certaine élégance théorique. Il satisfait parfaitement au principe de parcimonie puisqu’il permet d’expliquer avec un minimum d’hypothèses (le couple mutations aléatoires-sélection naturelle) l'évolution de la vie. Mais il paraît peu sensé d’imaginer que la complexité du vivant puisse n’avoir qu’un couple de principes explicatifs. Ici, comme ailleurs, l’excès de systématisation aboutit au réductionnisme.

-         Le darwinisme est un paradigme sans, pour le moment, d’alternative crédible. Un paradigme scientifique, en dépit d’une accumulation croissante de faits non explicables, se maintient tant que n’apparaît pas un meilleur paradigme capable d’expliquer toutes ces anomalies, pour se substituer à lui[7]. Les darwiniens ont donc beau jeu, à l’instar de T.H. Huxley en son temps - le bouledogue de Darwin- de rétorquer à ceux qui contestent la théorie darwinienne : quelle est votre alternative ?

-         Les a priori idéologiques dont il est l’instrument et la caution pseudo-scientifique dominent dans la communauté scientifique.

[1] Comme la mécanique newtonienne qui conserve une grande validité en dépit de l’avènement de la théorie de la relativité ou de la mécanique quantique.

[2] Francois Jacob (1970), La logique du vivant, Gallimard, p.21.

[3] L’histoire est une science sur un mode mineur dans la mesure où sa méthode vise à décrire avec le plus de rigueur et de précision possible des événements singuliers mais elle ne vise pas à les expliquer par des lois, des relations nécessaires de causalité. Toute recherche de causes est hautement spéculative.

[4] Michael Denton (1992), op.cit., p.263.

[5] Yves Coppens, Le singe, l’Afrique et l’homme, Fayard, 1983, p.2.

[6] Cité par Chauvin (1997, p.23), op.cit.

[7] Voir Thomas Kuhn (1962), La structure des révolutions scientifiques.


25 janvier 2008

25. Réfutation du darwinisme (3)

3. Arguments mathématiques

L’insuffisance du temps astronomique. L'évolution s'inscrit dans l’univers dont le temps et l’espace sont bornés[1]. Le temps dont dispose l’évolution est, semble-t-il, trop court depuis l’origine de la Terre pour aboutir à la multitude des êtres vivants par le seul processus mutation au hasard-sélection. En moins d’un milliard d’années on doit passer d’un être unicellulaire à tous les autres êtres vivants sur Terre par un seul processus d’essais et d’erreurs.

Le hasard lui-même obéit à des lois qui déterminent ses limites, lesquelles permettent de calculer des probabilités et de prévoir des phénomènes. Georges Salet (1972) dans Hasard et certitude a montré que le darwinisme se heurte au seuil d’impossibilité de Borel, selon lequel un événement, n’ayant qu’une chance de se produire sur 10 exp 200, ne se produira jamais dans aucun endroit de l’univers[2]. La "loi unique du hasard" de Borel affirme en effet qu’"un évènement remarquable de probabilité suffisamment faible ne se produit jamais dans des limites d'espace et de temps données". On arrive alors à un "seuil d'impossibilité cosmique absolue" (on peut augmenter considérablement la durée et la taille de l'univers sans changer fondamentalement ce seuil). Georges Salet (1972) a estimé que  l'apparition d'un nouvel organe a une probabilité inférieure à ce seuil. « Même en mobilisant toute la matière des centaines de milliards de galaxies qui peuplent l’univers pour en faire des gènes et en réalisant, puis en détruisant ceux-ci à la cadence fantastique de 10 exp 14 fois à la seconde, il faudrait quelque 10 exp 500 années pour réaliser tous les états possibles d’un gène d’importance moyenne soit de 1000 paires de nucléotides. » Il conclut à l'impossibilité radicale d'une telle apparition. Lecomte de Noüy (1939) a calculé que, pour que le hasard ait eu le temps de former une seule macro-molécule dissymétrique, il lui aurait fallu disposer de 10 exp 243 milliards d’années[3].

Staune (2007) soutient également que l’exploration des diverses probabilités d’apparition des protéines fondamentales pour la vie demande plus de temps que celui de l’âge de la Terre : « Bien entendu, il existe de grandes incertitudes  concernant les valeurs qui entrent en jeu pour de tels calculs. Mais les ordres de grandeurs qui interviennent dans ces calculs montrent que le processus n’a pas pu se dérouler dans le temps imparti. [4]»

Le mécanisme darwinien est un mécanisme dit « d’essais et d’erreurs » qui suit un algorithme génétique. On modifie de nombreuses fois un état X par hasard. On regarde par rapport à un critère donné lesquels des mutants de l’état X+1 sont les plus performants et on les recombine ensemble. Et on recommence avec l’état X+2, X+3, etc.

Or l’évolution suit un algorithme de contrôle optimal non un algorithme génétique. Les algorithmes « darwiniens » sont incapables d’expliquer l’évolution. Perrier (2005) montre que la complexité au cours de l’évolution dépasse de loin ce que peut faire un algorithme génétique. La théorie mathématique montre que les niveaux d’ordre que peut atteindre un tel processus sont limités. Les travaux des mathématiciens comme Marcel Paul Schutzenberger et Pierre Perrier (2005) semble montrer, comme Staune (2007, p.331) le rappelle, que : « L’évolution semble suivre un algorithme de contrôle optimal, c’est à dire un algorithme allant vers un but qui est intégré au processus ou un algorithme qui « connaît » le paysage dans lequel il évolue [5]». Aveu inconscient, l’ultradarwinien Richard Dawkins (1989), dans L’horloger aveugle, a utilisé pour simuler un processus d’évolution darwinienne de formes complexes (dans son exemple, une phrase de Shakespeare), non un algorithme génétique, mais un algorithme de contrôle optimal, c’est à dire un programme qui dès le début connaît le but recherché.

[1] L’univers aurait maximum quelques dizaines de milliards d'années et serait spatialement majoré par le rayon d'une sphère de volume 10 puissance 82 cm3.

[2] Sachant qu’on estime que l’univers ne comptent que 10 exp 70 particules.

[3] Voir notamment Daniel Raffard de Brienne (1998), Pour en finir avec l’évolution, Perrin & Perrin.

[4] Staune (2007, p.313). Le mathématicien Kurt Godel pensait également que le darwinisme serait réfuté un jour par un théorème de mathématiques montrant qu’il n’y a pas assez de temps depuis l’origine de la Terre pour aboutir à l’homme par une sélection des résultats d’un processus d’essais et d’erreurs. Cf. Hao Wang (1990), Kurt Godel, Armand Colin, p.197.

[5] Pierre Perrier (2005) « Que nous apprend l’analyse mathématique de la micro et de la macroévolution ? » in L’evoluzione :crovecia di scienza, filosofia e teologia, P. Rafael Pascual (dir.) Editions Studium, Rome, pp.149-197.


25 janvier 2008

24. Réfutation du darwinisme (2)

2. Arguments logiques

On peut réfuter le darwinisme en examinant la logique interne de la théorie et la rigueur des raisonnements. Or, les vices de raisonnement sont nombreux : fausses analogies, affirmations sans preuve, confusion entre description et explication, mais surtout tautologies et lapalissades.

Le darwinisme est bâti sur des analogies  douteuses: sélection artificielle/sélection naturelle et microévolution/macroévolution.

-         entre sélection artificielle par l’intelligence d’un éleveur et sélection naturelle. Les éleveurs et les agriculteurs sont capables de faire évoluer des espèces animales ou végétales mais non de créer de nouvelles espèces. En extrapoler qu’un processus de sélection d’une autre ampleur suffirait à produire de nouvelles espèces parce qu’il s’inscrirait dans le temps géologique est très héroïque; surtout que, dans le cas de la sélection artificielle, le moteur de la sélection est une intelligence qui sélectionne et qui est guidée par un but, une finalité, alors que dans le cas de la sélection naturelle, il s’agit d’un processus aveugle, sans direction.

-         entre microévolution et macroévolution. Darwin observa des microévolutions  sur les îles Galapagos où les espèces présentaient des différences morphologiques par rapport à leurs sœurs du continent, probablement dues à leur isolement. Il extrapola de la microévolution à la macroévolution- ce qui est pour le moins audacieux - en considérant que les petites variations observées sont le début d’une divergence qui donnera lieu, à terme, à l’apparition de nouvelles espèces. Les mécanismes de l’une et de l’autre seraient donc semblables ; il suffirait seulement de laisser le temps au temps.

Le darwinisme repose sur un raisonnement tautologique : la survivance des survivants. Une tautologie est selon le Robert « un vice logique consistant à présenter, comme ayant un sens, une proposition dont le prédicat ne dit rien de plus que le sujet. » Autrement dit, une tautologie est une façon de dire deux fois la même chose ; elle n‘explique rien. Johnson (1996) résume ainsi le darwinisme : « La théorie prédit que les organismes les mieux adaptés produiront plus de descendants et elle définit les organismes les mieux adaptés comme ceux qui produisent le plus de descendants.[1] »

Le darwinisme prédit la survivance des mieux adaptés. Mais qui sont les mieux adaptés ? Ceux qui survivent ! Popper écrivit ainsi: « certains, parmi les plus grands darwinistes contemporains, formulent la théorie sous forme d’une tautologie, disant que les organismes laissant le plus de descendants sont ceux qui laissent le plus de descendants.[2] »  En raison de son caractère tautologique, Rémy Chauvin (1997) considère  que : « La faille principale du darwinisme est d’ordre logique.[3] »

Le darwinisme confond souvent constat ou description, et explication. 

Dire que l’évolution se comporte comme ceci ou comme cela revient à constater des faits non pas à les expliquer. Par exemple, Chauvin (1997) prend l’exemple de la définition du darwinisme par Lewontin :

-         Les individus d’une même espèce diffèrent (principe de variation). Premier constat.

-         La variation est héritable (principe d’hérédité). Second constat.

-         Les différents variants donnent des quantités différentes de descendants (principe de sélection). Troisième constat.

On a constaté trois faits mais on a rien expliqué. Il reste à expliquer comment l’évolution se produit, c’est-à-dire, à expliquer comment différents variants laissent un nombre différent de descendants. Ce qu’il reste à expliquer, c’est l’essentiel : par quels mécanismes une variation offre un taux de descendants plus élevés ? Comment opère l’adaptation ?


[1]  P.E . Johnson (1996), Le darwinisme en question, Science ou métaphysique ? Editions Pierre d’Angle, p.46

[2] Cité par P.E. Johnson (1996), op.cit., p.48.

[3] R. Chauvin (1997), op.cit. p. 16.

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24 janvier 2008

23. Réfutation du darwinisme (1)

Le darwinisme est sans doute, avec le marxisme[1] et le freudisme[2], l'idéologie qui, au cours des deux derniers siècles, a été la plus nuisible à l’humanité, tant elle a porté gravement atteinte à l’homme[3] et permis l’avènement de systèmes politiques inhumains[4].

Darwinisme et métaphysique matérialiste

A l’instar du marxisme et du freudisme, le darwinisme représente une offensive matérialiste visant à déspiritualiser l’humanité, c’est à dire, à faire perdre à l’homme sa nature profondément spirituelle.

Derrière le darwinisme se cache une option métaphysique. Pour la paléontologue Anne Dambricourt Malassé (1996), la communauté évolutionniste darwinienne « s’inscrit dans une métaphysique, alors qu’elle prétendait développer une théorie scientifique ». Le darwinien Richard Lewontin (1997) a ainsi l’honnêteté d’admettre que son a priori idéologique l’emporte sur les données scientifiques objectives : « Nous avons un engagement préalable pour le matérialisme. Ce n’est pas que les méthodes ou les institutions scientifiques nous contraignent en aucune façon que ce soit d’accepter une explication d’ordre matériel du monde des phénomènes, mais au contraire notre adhésion préalable à la causalité matérielle qui nous force à créer une méthode d’investigation et une série de concepts qui produisent des explications matérielles, quand bien même celles-ci s’opposeraient à notre intuition ou laisseraient perplexes les non-initiés. Le matérialisme est, de plus, absolu, en ce que nous ne pouvons accepter la moindre présence divine. [5]»

Darwinisme et croyance religieuse

Le darwinisme est plus encore qu’une métaphysique : une croyance religieuse qui s’est érigée principalement en rejet du christianisme. Darwin écrivit ainsi en grande partie l’Origine des espèces car il ne pouvait imaginer un Dieu bon qui eût créé les cruautés affreuses de la nature. Il préféra voir la nature comme indifférente et sans compassion. Un ultradarwinien comme Dawkins (1997) se situe dans la même perspective : « l’Univers que nous observons a exactement les propriétés auxquelles on peut s’attendre s’il n’y a, à l’origine, ni plan, ni finalité, ni mal, ni bien, rien que l’indifférence aveugle et sans pitié. » Dawkins fait souvent référence à Dieu dans ses conférences pour en démontrer l’inexistence[6]. Le fameux néo-darwinien Mayr affirme que tous les darwiniens sont d’accord sur un point : « Rien n’était plus fondamental pour eux que de savoir si l’évolution était un phénomène naturel ou l’œuvre de la puissance divine. [7]»

Le darwinisme étant une croyance, il n’est pas étonnant d’observer un tel fanatisme chez ses fidèles et leur violence à dénoncer toute autre religion, et principalement le judéo-christianisme[8]. Chauvin (1997) pense ainsi que « la raison  profonde (du fanatisme des darwiniens) en est dans l’opposition du spiritualisme et du matérialisme. [9]» Pour illustrer jusqu’à quel point peut aller leur fanatisme, citons ce que le philosophe ultradarwinien Daniel Denett (2000) ose écrire : « Lorsque les savants sont confrontés avec ce qui apparaît comme une objection puissante contre l’hypothèse de la sélection naturelle, ils sont conduits à raisonner ainsi : je ne peux pas encore imaginer comment on peut réfuter cette objection ou résoudre cette difficulté, mais puisque je ne peux imaginer comment il pourrait y avoir une autre cause de ces effets que la sélection naturelle, je tiendrai pour acquis que l’objection est vide ; d’une manière ou d’une autre, la sélection naturelle doit suffire à expliquer ces effets. »

Or les darwiniens ont réussi à faire accroire que tout non-darwinien n’est pas scientifique ou ne raisonne pas comme un scientifique. En assimilant tous les non-darwiniens à des créationnistes rivés à une lecture littérale de la Bible, il leur est alors facile d’invoquer l’argument d’autorité : remettre en cause l’évolution, c’est se mettre hors science ; et le darwinisme est un dogme sacré. Tout autre théorie est une hérésie scientifique et toute personne reconnaissant croire en Dieu est disqualifiée[10].

Le darwinisme semble aujourd’hui un frein à la recherche scientifique car il empêche d’examiner de nouvelles pistes de recherche. Il est par conséquent nécessaire de montrer qu’il constitue une des erreurs intellectuelles les plus grossières du monde moderne.

Notre réfutation se situera au niveau philosophique mais il existe de multiples manières de réfuter le darwinisme : notamment par la paléontologie, la biologie moléculaire, la génétique, les mathématiques, la logique, l’épistémologie, ou l’informatique. Nombre d’auteurs ont déjà effectué ce travail. Parmi les plus célèbres, citons Denton (1985), Goodwin (1996), Johnson (1996), Chauvin (1997), Dambricourt-Malassé (2000), ou Grassé (1973). Avant d’aborder les objections proprement philosophiques, nous offrons une modeste synthèse de leurs travaux.

Quand on voit la foultitude d’objections s’accumuler, on se demande pourquoi il est encore besoin de débattre du darwinisme.

Evolution et darwinisme

Qu’est-ce que l’évolution ? L’ascendance commune des êtres vivants

L’évolution est l’hypothèse selon laquelle tous les êtres vivant ont un ancêtre commun. L’évolution ne signifie rien d’autre que « tous les organismes sont unis par des liens de la descendance. [11] » Les êtres vivants actuels et passés sont unis les uns aux autres au sein d’un immense arbre généalogique. Ils ont tous été engendrés les uns à partir des autres par voie de reproduction. Ils possèdent tous un même ancêtre initial dont ils sont tous les descendants directs. « Chaque individu biologique partage donc toujours au moins un ancêtre commun avec n’importe quel autre individu biologique, actuel ou passé. Ainsi chaque être humain a-t-il des ancêtres communs, plus ou moins éloignés selon les cas, avec n’importe quel animal ou végétal, par exemple  avec le sapin qui se trouve dans son jardin, le champignon qu’il cueille, son chat ou le dinosaure dont il contemple le squelette dans le musée.[12] »

L’ascendance commune des êtres vivants est au cœur du concept de l’évolution. Elle est partagée par tous les transformistes du 19ème siècle, dont Darwin et Spencer, ainsi que par tous les tenants de la théorie néo-darwinienne ou dite synthétique de l’évolution. Cette hypothèse est le fonds commun de toute pensée dite « évolutionniste ».

Premier corollaire, l’évolution implique une complexification du monde vivant. En effet, toutes les espèces proviennent d’espèces antérieures de plus en plus simples à mesure que l’on remonte l’arbre généalogique jusqu’aux premiers êtres vivants, des êtres unicellulaires.

Deuxième corollaire, on peut remonter le processus de l’évolution jusqu’à l’origine de la vie, une soupe primitive d’acides aminés, autrement dit, jusqu’à la matière inanimée.

Troisième corollaire, le terme « d’espèce » est conventionnel dans la mesure où les espèces ne possèdent pas d’essence ; en réalité, ils n’existent que des populations qui ont la capacité physiologique de se reproduire les unes avec les autres et qui vivent dans un même territoire.

Les microévolutions, c’est-à-dire, des évolutions morphologiques au sein d’une espèce, sont un fait ; elles sont observables à l’échelle humaine. Les macroévolutions, c’est-à-dire, des modifications morphologiques qui permettent le passage d’une espèce à une autre, ne sont pas en revanche de l’ordre des faits mais de l’ordre de l’hypothèse, de la spéculation. Elles n’ont jamais été observées, ne serait ce que par la longue durée nécessaire pour leur apparition.

Lorsque l’on emploie le terme d’évolution, on fait en fait référence à la macroévolution.

L’évolution est donc une hypothèse sur la nature du monde vivant et son origine ; elle affirme une filiation commune à tous les êtres vivants et leur caractère évolutif. Mais comme le souligne Gould (1991), « Cette définition ne dit rien au sujet du mécanisme du changement évolutif.[13] ».

Qu’est-ce que le darwinisme ? Une explication de l’évolution par la sélection naturelle

Des conceptions évolutionnistes de la nature étaient apparues dès l’Antiquité chez des penseurs matérialistes (Anaximandre de Milet, Thalès, Empédocle d’Agrigente, Héraclite, Démocrite, Epicure) qui cherchaient une cause matérielle à toute chose. Au 1er siècle avant JC, Lucrèce, disciple d’Epicure, expliqua dans La nature des choses, que le monde est l’œuvre de la nature ; les atomes se combinent au hasard pour former et la sélection naturelle fait le tri.

Mais les conceptions fixistes se sont imposées, notamment sous l’influence de Platon et d’Aristote, jusqu’au siècle des Lumières. A cette époque, l’évolutionnisme réapparut dans l’irréligion ambiante. Hume notamment reprit les thèses de Lucrèce. Buffon, les Geoffroy Saint-Hilaire, père et fils et Lamarck exposèrent des conceptions transformistes, sans toutefois remporter l’adhésion de la communauté des savants.

Il fallut attendre Darwin pour que la conception évolutionniste du monde vivant l’emporte sur la conception fixiste traditionnelle. Son explication de la transformation du monde vivant devint alors le paradigme de la biologie.

Le darwinisme constitue donc une thèse visant à expliquer l’hypothèse de l’évolution, ou plus précisément, de la macroévolution.

Cette thèse repose sur le couple mutation aléatoire-sélection naturelle : les êtres vivants subissent des mutations aléatoires qui sont sélectionnés car elles améliorent leur adaptation à leur environnement. En d’autres termes, les mutations fournissent le matériau de construction avec lequel la sélection naturelle se comporte en architecte ; et le résultat donne de splendides cathédrales vivantes. Les mutations offrent des bruits avec lesquels la sélection naturelle compose de la musique, et le résultat donne une symphonie harmonieuse.

La sélection naturelle est donc le moteur de l’évolution, le cœur du darwinisme. Darwin écrit : « (…) Je ne puis concevoir aucune limite à la somme des changements, ni à la beauté et à la complexité des adaptations de tous les êtres organisés (…) que peut, dans le cours successif des âges, réaliser le pouvoir sélectif de la nature.[14] » Stephen Jay Gould (1980) résume ainsi: “La variation fortuite est bien la matière première du changement, mais la sélection naturelle parvient à concevoir des organes efficaces en rejetant la plupart des variants tout en acceptant et en accumulant celles qui améliorent l’adaptation à l’environnement local. [15]»

Il convient donc de distinguer évolution et darwinisme.

Nous pensons que l’hypothèse de l’évolution telle que définie ci-dessus n’est pas recevable telle quelle. Il existe des discontinuités radicales (des sauts qualitatifs) dans l’histoire du monde vivant qui ne peuvent s’expliquer uniquement par des causes matérielles, tels que le passage de la matière inanimée à la matière organique, ou l’émergence de l’esprit à partir de la matière. La nature fait des sauts. Pour autant, cela n’exclut pas que le monde vivant connaissent des phénomènes macro évolutifs continus comme des macro-mutations.

En revanche, le darwinisme fournit une explication de l’évolution qui semble aujourd’hui irrémédiablement réfutée.

1.    Arguments paléontologiques 

Fidèle au réalisme philosophique, nous partirons d’abord de l’examen du réel et chercherons les faits susceptibles d’être recueillis pour valider ou invalider le darwinisme. En premier lieu, les fossiles.

Les chaînons intermédiaires, ou de liaison sont manquants.

Le darwinisme suppose des formes intermédiaires en immense quantité, conformément à l’hypothèse gradualiste qui veut que la sélection naturelle agissent par gradations imperceptibles. D’après Chauvin (1997), plus de 250,000 espèces de fossiles sont répertoriés et ces données paléontologiques ne permettent pas de soutenir le gradualisme. L’évolution semble s’effectuer par sauts. Darwin admettait que les faits connus parlaient clairement contre sa théorie mais il en reportait la responsabilité aux archives géologiques incomplètes[16]. Un siècle plus tard, le darwinien Stephen Jay Gould (1980) reconnaît le problème : « L’extrême rareté des formes fossiles transitoire reste le secret professionnel de la paléontologie. Les arbres généalogiques des lignées de l’évolution qui ornent nos manuels n’ont de données qu’aux extrémités et aux nœuds de leurs branches ; le reste est constitué de déductions, certes plausibles, mais aucun fossiles ne vient les confirmer. [17]»

Staune (2007, p.289) affirme ainsi : « Aujourd’hui, on sait, (…) que la structure des fossiles déjà trouvés s’opposent au gradualisme classique. Mais ce « secret professionnel» de la paléontologie n’a pas encore été largement diffusé auprès du grand public. » Il poursuit plus loin : « Quand informera t-on le public que, dans la plupart des cas, il n’est pas possible de savoir exactement qui est l’ancêtre de qui ?[18] »

Les darwiniens ont riposté de trois manières principales.

- Les darwiniens forts (Dawkins, Denett), à l’instar de Darwin, continuent de clamer que c’est l’incomplétude des archives fossiles  qui est responsable de l’absence de données paléontologiques. L’évolution suit un processus graduel. Cela s’appelle un déni de réalité et cette position semble difficilement tenable.

- Un courant darwinien s’est efforcé d’amender la théorie. La structure des fossiles s’oppose au gradualisme ; un darwinien éminent comme Gould (1980) le reconnaît  : « L’histoire de la plupart des espèces fossiles présente deux caractéristiques particulièrement incompatibles avec le gradualisme : La stabilité : la plupart des espèces ne présentent aucun changement directionnel pendant toute la durée  de leur présence sur terre. Les premiers fossiles que l’on possède ressemblent beaucoup aux derniers ; les changements morphologiques sont généralement  limités et sans direction. L’apparition soudaine : dans une zone donnée, une espèce n’apparaît  pas progressivement à la suite de la transformation régulière de ses ancêtres ; elle surgit d’un seul coup et complètement formée. [19]»

Partant de ce constat Gould et Eldredge (1972) ont développé la théorie des équilibres ponctués. L’évolution se produit de manière très rapide à l’échelle géologique et ne prend que quelques milliers d’années, voire quelques centaines d’années pour qu’une nouvelle espèce apparaisse et se répande ; ce qui expliquerait l’absence de fossiles. Dans cette perspective, l’évolution demeure graduelle à l’échelle humaine même si elle semble opérer des sauts à l’échelle géologique. Il ne s’agit donc pas d’une théorie reposant sur des macro-mutations.

- D’autres ont renoncé à bâtir des arbres généalogiques décrivant « qui descend de qui ». A défaut, ils cherchent à bâtir des « arbres de proximité » (le système des clades[20]) et à répondre à la question « qui est proche de qui », sans jamais identifier d’ancêtres communs. On démultiplie le nombre de cousins mais l’on ne trouve aucun grand-père.

Les preuves de la soupe prébiotique manquent

La paléontologie refuse également au darwinisme les preuves d’un passage du monde inerte au monde vivant. Denton (1992, p.269) résume le problème : « Si la thèse traditionnelle est vraie, il a dû exister, pendant plusieurs millions d’années, un riche mélange de composés organiques dans les océans anciens ; et une partie de ces éléments aurait été pris au piège dans les roches sédimentaires déposées au fond des mers de ces époques reculées. Cependant, des roches très anciennes ont été examinées au cours des deux dernières décennies et aucune ne porte la moindre trace de composés organiques formés de manière abiotique. » Pas de trace de l’existence d’une soupe prébiotique, c’est-à-dire, composée de tous les éléments nécessaires à la « construction » de la première cellule vivante. 

[1] Le marxisme apparaît à certains égards comme un enfant illégitime du darwinisme. Marx avait sollicité Darwin pour une préface de son Capital. La lutte des classes et la révolution remplace la sélection naturelle pour aboutir à une nouvelle espèce d’homme. Les régimes communistes enseignait l’évolutionnisme. Lyssenko soutint en 1948 devant l’académie Lénine, l’hérédité de l’acquis par le milieu extérieur (une forme de lamarckisme) et nia l’existence des gènes et le rôle des chromosomes dans l’hérédité.

[2] Freud était aussi un fervent darwinien. Il s’attribuait la même mission prophétique que Darwin contre l’orgueil égocentrique de l’homme.

[3] Le darwinisme lui-même apparaît à certains égards comme un enfant naturel du malthusianisme. Darwin, de son propre aveu, a trouvé ces principaux concepts chez Malthus (sélection artificielle, sélection naturelle, lutte pour l’existence). Dans son autobiographie, il écrit : « En octobre 1838, (…) je lus pour me distraire l’Essai sur le principe de population de Malthus. Or étant bien préparé pour apprécier la lutte pour l’existence partout présente par une longue pratique de l’observation des habitudes des animaux et des plantes, je fus soudain frappé par le fait que, dans de telles circonstances, les variations favorables tendraient à être préservées et les variations nuisibles à être détruites. Le résultat de cette sélection serait la formation de nouvelles espèces. J’avais donc là enfin une théorie sur laquelle travailler ; mais j’étais si soucieux d’éviter les préjugés que je ne me résolus pas à en rédiger la moindre ébauche avant un certain temps. » Cf. Darwin, F., ed., (1888)The Life and Letters of Charles Darwin, 3 vol. John Murray, London, vol I., p.83.

[4] Francis Galton, le fondateur de la science eugénique (la science de l’amélioration de la lignée) était à la fois disciple et cousin de Darwin. Les thèses darwiniennes influencèrent le racisme hitlérien. Il semble toutefois que Darwin est toujours désavoué une application sociologique de sa théorie.

[5] Richard Lewontin (1997), New York Review of books, 9 janvier. Cité par Jean Staune (2007, p.236).

[6] Richard Dawkins (1997) in Le fleuve de la vie, p.150.

[7] Cité par Chauvin (1997, p.310), op.cit.

[8] L’éminent biologiste Chauvin (1997) notamment soutient que le darwinisme est une croyance et constate « une dérive vers la secte. »

[9] Chauvin (1997), p.19.

[10] Staune (2007) relate qu’avant d’entamer une discussion sur l’évolution, Dawkins pose toujours en premier lieu la question « Croyez vous en Dieu ?», si l’interlocuteur répond par l’affirmative, Dawkins tourne les talons.

[11] Stephen Jay Gould (1991), La foire aux dinosaures, Seuil, p.390.

[12] Dominique Guillo (2007), Qu’est-ce que l’évolution ?, Ellipses, pp.57-58.

[13] Stephen Jay Gould (1991), op.cit., p.390.

[14] Cité par Denton (1992). Evolution, une théorie en crise, Champs Flammarion, p.16

[15] Gould S. J. (1980), Le pouce du panda, p.38.

[16] « Le nombre des variétés intermédiaires qui ont existé jadis sur la terre doit être vraiment énorme. Pourquoi donc chaque formation géologique et chaque couche ne sont elles point remplies de ces chaînons intermédiaires ? Sûrement la géologie ne nous révèle pas les chaînes organiques aussi finement graduées : et c’est peut être la plus grave objection qu’on peut faire à mes théories. Je crois que l’explication réside dans la grande imperfection de notre connaissance des fossiles. » Darwin, cité pat Chauvin (1997, p.211)

[17] Stephen Jay Gould (1980) Le pouce du panda, Grasset, p.175.

[18] Staune (2007, p.291).

[19] Stephen Jay Gould, (1980), op.cit. p.176

[20] Un clade est un rameau à deux branches reliant à un seul tronc deux espèces à qui, du fait de leur ressemblance, on suppose un ancêtre commun. Les clades s’emboîtent dans des clades plus vastes. Dans ce système, on peut associer dans un clade un fossile et une espèce actuelle sans tenir compte du temps


19 décembre 2007

22. Eloge du dogmatisme

Il ne fait pas bon aujourd’hui avoir un « esprit dogmatique ». Haro sur les dogmes ! Vade retro les dogmes ! Car il va de soi qu’un esprit dogmatique est forcément intransigeant, inflexible, intolérant, despotique, tyrannique, totalitaire, et liberticide. L’esprit moderne dit : « A chacun sa vérité, mais prenez garde d’en avoir une ! ». En affirmant qu’il est possible d’avoir chacun sa vérité, il prostitue la vérité, il en fait une maîtresse soumise à chaque homme. Mais il ne lui suffit pas de l’avilir ainsi, il faut en plus qu’il exige de chaque homme de s’abstenir de la côtoyer, de la tutoyer. Le relativisme, l’indifférentisme et le scepticisme sont de rigueur.

Il convient donc d’abattre quelques erreurs de raisonnement au sujet du dogme.

Dogme et liberté de penser

Contre le dogme, on affirme qu’il empêcherait de penser librement. Or, c’est tout le contraire. Comme le souligne Maurras (1912, p.213) dans La politique religieuse, « Un dogme, en soi, n’a rien qui puisse empêcher une pensée d’être libre. Bien au contraire : si liberté veut dire force, puissance, expansion, développement spontané, ample, heureux et facile, la pensée n’est guère libre que par un dogme, c’est-à-dire, en bon français, en bon latin et en bon grec, un enseignement. (…) » Derrière l’hostilité au dogme, se glisse l’hostilité à l’enseignement et peut être plus fondamentalement l’hostilité à la vérité.

Dogme ou préjugé, il faut choisir

De toutes les façons, la pensée n’échappe pas aux choix cornéliens. Ainsi, au même titre qu’il ne s’agit pas de choisir entre Dieu et rien mais entre Dieu et une idole (un faux dieu) ; il ne s’agit pas de choisir entre un dogme et pas de dogme du tout, mais entre un dogme et le préjugé (un faux dogme, un dogme flou). Chesterton (1994, p.21) résume ainsi le dilemme : « L’esprit humain a le choix entre deux choses et deux seulement : le dogme et le préjugé. Le moyen âge fut une époque rationnelle, un âge de doctrine. Notre époque est au mieux une époque poétique, un âge de préjugé. Une doctrine est un point défini, un préjugé est une direction. Que l’on puisse manger un bœuf, alors qu’on ne saurait manger un homme, est une doctrine. Qu’il faille manger aussi peu que possible de quoi que ce soit est un préjugé, que l’on appelle aussi parfois un idéal. Une direction est toujours beaucoup plus fantasque qu’une carte. » Chesterton (1994, p.22) ajoute plus loin: « (…) notre imprécision moderne s’y entend à perdre ou à disperser les hommes comme dans une brume »

Dogme et ordre dans la pensée.

Maurras (1912, p.215) avait également bien saisi l’enjeu du dogme : l’ordre et la clarté dans la pensée: « On pourrait définir la libre pensée philosophique ou théologique le désir de pensée vaguement, et tous ceux qui savent ce que c’est que penser, savent aussi que c’est la bonne façon de ne point penser. Un libre penseur est un homme dont la pensée demande à vagabonder, à flotter. »

Le dogme forme et informe la pensée, il la rend consistante, en lui communiquant un degré de définition, de détermination, de rigueur et parfois de servitude. La meilleure preuve est donnée par la science. Comme le rappelle utilement Maurras (1912, p.213) : « La science est un corps de doctrine, un faisceau de dogmes, lois de l’esprit ou de la nature, à l’égard desquelles personne n’invoque la liberté de conscience ou la liberté de pensée. »

Dogme et intolérance.

On associe souvent dogme et intolérance. Etre dogmatique ferait courir le risque d’être intolérant. Là encore, on se méprend totalement. En réalité, il faut d’abord être devenu dogmatique pour pouvoir prétendre être tolérant. Il faut avoir quelque chose à défendre pour être tolérant. Est tolérant celui qui en dépit d’avoir trouvé la vérité accepte que d’autres ne la reconnaissent pas comme tel, voire s’y opposent, et ne recourt pas pour autant à la violence pour imposer ses idées mais croient au dialogue et à la persuasion. En revanche, celui qui n’adhère à aucun dogme n’est pas tolérant, il n’a rien à défendre, il est juste indifférent. Il tolère toutes les opinions car il n’en a pas lui-même.

19 décembre 2007

21. Anatomie de l’égalité (4)

La question de la relation entre inégalité naturelle et inégalité sociale.

Au début du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1753), Rousseau conçoit dans l’espèce humaine deux sortes d’inégalité :

-         l’inégalité naturelle ou physique, « parce qu’elle est établie par la nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du corps, et des qualités de l’esprit, ou de l’âme (…) »

-         l’inégalité morale, ou politique « parce qu’elle dépend d’une sorte de convention, et qu’elle est établie, ou du moins autorisée par le consentement des peuples. Celle-ci consiste dans les différents privilèges dont quelques-uns jouissent, au préjudice des autres, comme d’être plus riches, plus honorés, plus puissants qu’eux, ou même de s’en faire obéir.[1]»

Rousseau n’interroge pas l’inégalité naturelle car effectivement, comme il l’affirme, « la réponse se trouverait énoncée dans la simple définition du mot. »

Mais il décide également de mettre de côté l’examen du lien entre inégalité naturelle et inégalité sociale. « On peut encore moins chercher s’il y aurait point quelque liaison essentielle entre les deux inégalités ; car ce serait demander, en d’autres termes, si ceux qui commandent valent nécessairement mieux que ceux qui obéissent et si la force du corps ou de l’esprit, la sagesse ou la vertu se trouvent toujours dans les mêmes individus, en proportion de la puissance, ou de la richesse : question bonne peut-être à agiter entre des esclaves entendus de leurs maîtres, mais qui ne convient pas à des hommes raisonnables et libres, qui cherchent la vérité. »

Rousseau ferme la porte à la discussion avec deux arguments.

Premièrement, cette question reviendrait à se demander si ceux qui commandent valent nécessairement mieux que ceux qui obéissent.

Deuxièmement, cette question reviendrait à rechercher un rapport proportionnel entre puissance et richesse d’un côté et qualités physiques et morales de l’autre.

Ce rapport proportionnel, Rousseau l’exclut : il affirme péremptoirement sans autre explication qu’il s’agit d’une question qui «ne  convient pas à des hommes raisonnables et libres qui cherchent la vérité. »

Or la question que décide d’évacuer Rousseau est la question la plus essentielle et la plus naturelle des questions, celle qui vient instinctivement à l’esprit lorsque l’on se trouve confronté à une quelconque relation de pouvoir, un quelconque écart de richesse. La question de ce rapport de proportion est une question de justice. Celui qui commande est-il meilleur que celui qui obéit ? Quelle est la légitimité de celui qui commande ? Le riche est-il meilleur que le pauvre ? Mérite-t-il de l’être ? A-t-il gagné honorablement son bien ? Et le pauvre, qu’a-t-il fait ou oublié de faire pour en arriver là ? Dans les deux cas –rapport  de puissance ou écart de richesse- chacun est-il bien à sa place ? Leur situation respective est-elle juste ? Finalement, l’inégalité sociale trouve-t-elle des fondements et des justifications dans l’inégalité naturelle?

Ces deux inégalités présentent un lien, de toute évidence, qui n’est certainement pas nécessaire ou systématique mais qu’il faut bien essayer de comprendre pour en préciser la portée. Ce n’est pourtant pas l’avis de Rousseau, ce n’est pas l’objet de son Discours. Il élude donc la question la plus essentielle.

Son objet n’est d’ailleurs pas très clairement exprimé : il s’agit « de marquer dans le progrès des choses le moment où le droit succédant à la violence, la nature fut soumise à la loi ; d’expliquer par quel enchaînement de prodiges le fort put se résoudre à servir le faible, et le peuple à acheter un repos en idée, au prix d’une félicité réelle. (p168)» Comprendra qui peut. Dans la Préface, Rousseau est plus clair sur ses intentions : connaître la source de l’inégalité parmi les hommes.

Pour Rousseau, la religion nous enseigne que Dieu a sorti l’homme de l’état de nature et a voulu que les hommes soient inégaux. Il s’efforce alors d’imaginer « ce qu’aurait pu devenir le genre humain, s’il fut resté abandonné à lui-même. » Ce projet laisse songeur. En effet, comment étaient les hommes dans l’état de nature : égaux ou inégaux ? Inégaux sans doute. Pour Rousseau c’est leur « sortie ( ?)» de l’état nature - voulue par Dieu – qui les rend inégaux. Cela signifie-t-il que Dieu aurait créé les hommes naturellement plutôt égaux, puis les aurait poussés à entrer en société, laquelle serait responsable de l’essentiel de l’inégalité !?

Rousseau se fait fabuliste ; il se targue de raconter la vie de l’espèce humaine à partir de l’observation de la nature: « C’est pour ainsi dire la vie de ton espèce que je vais décrire(p.169). »Or, Rousseau part du postulat que l’homme a bien changé depuis qu’il a quitté l’état de nature.  Dès lors, comment compte-t-il analyser un état qui a disparu ? A moins que celui-ci subsiste de manière pratiquement authentique dans certaines contrées. Mais Rousseau s’est-il jamais rendu auprès de ces hommes sauvages qui vivent encore au plus près de l’état naturel ? A-t-il fait œuvre d’anthropologue ou de sociologue en allant visiter ces hommes naturels en Amérique, aux Caraïbes, ou en Afrique ? Non. Il s’est contenté de les rencontrer décrits dans des livres[2].


[1] Notons ici que Rousseau, n’envisage l’inégalité de conditions que comme un jeu à somme nul : nul ne gagne ce qu’un autre ne perd. L’inégalité sociale s’opère semble-t-il toujours et exclusivement au détriment de ceux qui se trouvent réduit dans une position inférieure ou défavorisée.

[2] Bien que Rousseau affirme par ailleurs que les livres sont « menteurs (p.169)»

19 décembre 2007

20. Essai d’anatomie de l’égalité (3)

Comme toutes les passions humaines, l’égalité est soumise à la pesanteur.

Dans notre chronique n°18, nous avons essayé de décrire un élan contradictoire au sein même de l’égalité ; celle-ci peut tendre soit à se réaliser dans un au-delà des différences, soit à se réaliser dans une négation des différences. Dans le premier cas, elle élève à une dignité supra humaine, dans le second, elle abaisse à une condition quasi-animale.

Comment expliquer que cet élan s’exprime le plus souvent vers le bas plutôt que vers le haut ?

Ceci n’est en fait pas si étonnant si l’on considère que toutes les passions humaines, tous les mouvements intérieurs de l’âme, au même titre que les mouvements physiques du corps, semblent soumis naturellement à la loi de la pesanteur. C’est ce que Simone Weil, dans La pesanteur et la grâce (1948), a très bien vu : « Tous les mouvements naturels de l’âme sont régis par des lois analogues à celle de la pesanteur matérielle. La grâce seule fait exception.

Il faut toujours s’attendre à ce que les choses se passent conformément à la pesanteur, sauf intervention du surnaturel. »

Autrement dit, l’homme ne dispose pas en lui-même de pouvoir d’ascension, il ne peut le recevoir que de l’extérieur. Par conséquent, la passion de l’égalité livrée à elle-même et sans intervention de la grâce  tombera nécessairement dans la bassesse animale. On pourrait certainement en dire autant des autres mouvements de l’âme comme la liberté.

6 décembre 2007

19. Essai d'anatomie de l'égalité (2)

L’égalité est une notion mathématique qui ne peut s’employer aux hommes sans un réductionnisme extrême

L’égalité se rencontre uniquement en mathématique ; elle s’exprime par la loi des nombres et elle n’exerce sa fonction que sur les poids, les mesures, et les quantités.

Pour l’employer au sujet des hommes, il faut opérer un réductionnisme aussi artificiel que radical des particularités humaines. Il faut indifférencier les hommes et les dépersonnaliser. A ce prix seul, les hommes peuvent devenir rigoureusement « égaux ». Indifférenciés, il ne reste plus que la quantité pour les différencier, les organiser et les départager: le vote à la majorité en résulte nécessairement.

Les rapports humains ne se conçoivent plus dès lors que sur le mode de l’équilibre, un équilibre de masses ; l’équilibre étant par définition « cet état d’un corps sollicité par plusieurs forces dont les effets s’entredétruisent ». Un état d’équilibre est donc un état de rapport de forces égales.

Il est intéressant de noter que dans l’idéologie marxiste - paroxysme de l’égalitarisme- le peuple est réduit à une masse physique qui, de par son poids, peut renverser l’ordre établi et ainsi « peser » sur le cours de l’histoire.

Égalité et équilibre vont de pair. Egalité et rapports de force vont de pair. Il en résulte selon Gustave Thibon, dans L’équilibre et l’harmonie (1976), un ordre social intrinsèquement conflictuel et violent : « D’où le conflit, érigé en loi permanente des sociétés, la généralisation de la violence qui devient de plus en plus le seul moyen de se faire entendre et d’obtenir satisfaction. »

L’harmonie exige l’inégalité, l’égalité ne permet de concevoir que l’équilibre

Dans un dialogue que Victor Hugo imagine entre deux réformateurs sociaux. A celui qui prône l’égalitarisme, l’autre répond ceci: « Au-dessus de l’équilibre, il y a l’harmonie ; au-dessus de la balance, il y a la lyre. » [1] L’harmonie comme le rappelle Gustave Thibon (1976) se définit comme « l’agencement entre les parties  d’un tout, de manière qu’elles concourent à une même fin. » En revanche, « La balance n’enregistre que des rapports liés à la pesanteur. L’harmonie, au contraire, exige l’inégalité. Chaque corde de la lyre émet un son différent, et c’est la juste proportion entre ces sons qui fait la beauté de la musique. Il ne s’agit plus de forces opposées qui s’annulent réciproquement, mais d’un accord interne, d’une convergence spontanée entre des éléments qui échappent à la pesanteur. (…) Dans l’équilibre les quantités se font contrepoids ; dans l’harmonie les qualités se complètent.»

Gustave Thibon (1976) rappelle utilement que, dans le langage courant, « on parle d’équilibre ou de contrepoids lorsqu’il s’agit de forces qui non seulement ne sont pas accordées entre elles, mais s’opposent les unes aux autres. »

On ne peut alors que déplorer avec Thibon que : « La grande tare de notre vie politique, sociale et économique, c’est que tout y dépend de l’équilibre beaucoup plus que de l’harmonie. (…) Dans un tel climat, l’inégalité – qui par elle-même, est un facteur d’harmonie – engendre fatalement le déséquilibre. Car l’équilibre n’est qu’une discorde latente et contenue qui tourne au conflit ouvert dès qu’une force en jeu l’emporte sur l’autre. » [2]

Dans ce contexte, les responsables politiques ne sont que des équilibristes qui s'efforcent de contenir la discorde et non des « harmonisateurs » qui assurent la concorde, c’est-à-dire qui agissent sur les forces sociales comme un bon accordeur sur les cordes ou les touches d’un instrument de musique en les réglant de telle façon que chacune donne la note juste dans le déroulement de la mélodie.

L’équilibre ne peut produire l’harmonie sociale

Comme le souligne Thibon (1976), « Dans l’ordre social, l’équilibre ne suffit jamais à produire l’harmonie. Mais par contre, l’harmonie suffit toujours à établir l’équilibre, car alors les individus et les groupes, au lieu de s’affronter dans un antagonisme stérile, conjuguent leurs forces dans la recherche et au service du bien commun. »

[1] Cité par Gustave Thibon (1976), L’équilibre et l’harmonie, Fayard, p.88.

[2] Gustave Thibon (1976), op.cit. p.88.


27 juillet 2007

18. Essai d’anatomie de l’égalité

L’examen du réel, de la nature, de l’histoire et des sociétés humaines[1] permet d’observer et de constater   l’inégalité, mais non l’égalité. Comme l’affirmait Charles Maurras dans L’ordre et le désordre (1948), « L’inégalité est un fait. L’égalité n’en est pas un. »

Tous les Diogène du monde peuvent parcourir la terre une lampe à la main, à la recherche de l’égalité, celle-ci restera introuvable. L’inégalité, en revanche, est au rendez-vous de chaque observation, au détour de chaque rencontre : elle est bien réelle. L’inégalité semble même à la base de tout. C’est pourquoi, elle constitue pour Maurras (1948), un « fait vital, un fait hors duquel il n’y a point de vie possible. L’inégalité ou la mort (…) ».

Les hommes naissent soumis par nature à une autorité pure

Dès sa venue à l’être, l’homme expérimente la dépendance et la soumission à ses parents. Naître signifie être dépendant. Ainsi, contrairement à ce qu’affirmait Rousseau au début du Contrat social (1762), les hommes ne naissent pas libres et égaux. Charles Maurras, dans Mes idées politiques (1937), a conté de manière magistrale et poétique les premiers pas de l’homme ; il a parfaitement décrit combien le petit homme est confié à la tyrannie bienveillante et protectrice de ses parents: « Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir. Peu de chose lui manque pour crier : « Je suis libre »...Mais le petit homme ?

Au petit homme, il manque tout. Bien avant de courir, il a besoin d’être tiré de sa mère, lavé, couvert, nourri. Avant que d’être instruit des premiers pas, des premiers mots, il doit être gardé de risques mortels. Le peu qu’il a d’instinct est impuissant à lui procurer les soins nécessaires, il faut qu’il les reçoive, tout ordonné, d’autrui.

Il est né. Sa volonté n’est pas née, ni son action proprement dite. Il n’a pas dit Je ni Moi, et il en est fort loin, qu’un cercle de rapides actions prévenantes s’est dessiné autour de lui. Le petit homme presque inerte, qui périrait s’il affrontait la nature toute brute, est reçu dans l’enceinte d’une autre nature empressée, clémente et humaine : il ne vit que parce qu’il en est le petit citoyen.

Son existence a commencé par cet afflux de services extérieurs gratuits. Son compte s’ouvre par des libéralités dont il a le profit sans avoir pu les mériter, ni même y aider par une prière, il n’en a rien pu demander ni désirer, ses besoins ne lui sont pas révélés encore. (…) il attire et concentre les fatigues d’un groupe dont il dépend (…).

Cette activité sociale a donc pour premier caractère de ne comporter aucun degré de réciprocité. Elle est de sens unique, elle provient d’un même terme. Quant au terme que l‘enfant figure, il est muet, infans, et dénué de liberté comme de pouvoir ; le groupe auquel il participe est parfaitement pur de toute égalité : aucun pacte possible, rien qui ressemble à un contrat. Ces accords moraux veulent que l’on soit deux. Le moral de l’un n’existe pas encore.

On n’en saurait prendre acte en termes trop formels, ni assez admirer ce spectacle d’autorité pure, ce paysage de hiérarchie absolument net. »

Ce rapport de dépendance absolue, loin d’asservir l’enfant, lui permet de grandir et de devenir un homme libre. « Il grandira par la vertu de ces inégalités nécessaires. »

Nécessaires à plus d’un titre. Tout d’abord, elles assurent sa survie: « il faut absolument, si l’on veut qu’il survive, que ce pygmée sans force soit environné de géants, dont la force soit employée pour lui (…) à la seule fin de l’empêcher de périr. »

Ensuite, son humanité même en dépend : « ce dressage nécessaire limite l’égoïsme, adoucit une dureté et une cruauté animales, freine des passions folles et fait ainsi monter du « petit sauvage » le plus aimable, le plus frais et le plus charmant des êtres qui soient : l’adolescent, fille ou garçon, quand il est élevé et civilisé. »

Tout homme expérimente au cours de son enfance le rôle salutaire d’une autorité (et de la hiérarchie) qui fait tomber sur lui une « pluie de bienfaits » selon la belle expression de Maurras (1937), laquelle le sauve de la mort et lui apprend la conduite de la vie.

Ainsi de nouveau, contrairement à ce que soutient Rousseau dans De l’inégalité parmi les hommes (1753), ce ne sont pas les hommes qui ont institué l’inégalité mais bien la nature. Bien sûr, les sociétés aristocratiques accordaient à la naissance des privilèges fondés sur la supériorité des pères. Mais si les héritiers ne s’en montraient pas dignes, ces privilèges se commuaient en vanités et les entraînaient dans la décadence. La révolution française s’est ainsi déroulée dans un climat de rejet de privilèges devenus illégitimes.

Les hommes sont inégaux par la nature, la situation, l’esprit et le corps.

Les hommes possèdent une égale dignité en raison de leur appartenance à la famille humaine. Pour le reste, tout les différencie, tout les discrimine. A l’instar de François Guizot, dans Trois générations 1789-1814-1848 (1863), chacun peut constater ceci : « Il n’est pas vrai que tous les hommes soient égaux : ils sont inégaux, au contraire, par la nature comme par la situation, par l’esprit comme par le corps (…) ».

L’inégalité attire les hommes les uns vers les autres

Dans le Discours sur l’origine de l’inégalité (1755), Rousseau soutient que l’interdépendance est à l’origine de l’inégalité. Selon lui tant que les hommes vivait en autarcie - autonome et indépendant - et ne s’appliquaient « qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire (…) », ils étaient libres et égaux ; « (…) mais dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, (…) on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les missions. » 

Or, c’est le contraire qui est vrai. L’inégalité crée l'interdépendance et attire les hommes. François Guizot (1863) concevait l’inégalité comme facteur d’attraction, d’interdépendance et de solidarité entre les hommes. Ainsi « leur inégalité [des hommes] est l’une des plus puissantes causes qui les attirent les uns vers les autres, les rendent nécessaires les uns aux autres et forment entre eux la société. »

De même Maurras (1937): « Aurait-il recherché si avidement le concours de ses semblables s’ils n’avaient été dissemblables, s’ils avaient tous été ses pairs, et si chacun lui eût ressemblé comme un nombre à un autre nombre ? Ce qu’il désirait en autrui était ce qu’il ne trouvait pas exactement de même en lui. »

La reconnaissance de l’autre en tant qu’autre passe par la hiérarchie

Pour reconnaître l’autre, il faut le reconnaître comme autre, le reconnaître comme différent. Et toute différence entre les êtres se convertit en supériorité ou en infériorité et par conséquent en inégalité et hiérarchie. Ainsi Louis Dumont, dans Essais sur l’individualisme (1983), soutient que la reconnaissance de l’autre en tant qu’autre ne peut être que hiérarchique. « (…) si les avocats de la différence réclament pour elle à la fois l’égalité et la reconnaissance, ils réclament l’impossible. (…) il y a deux voies pour reconnaître en quelque façon l’Autre : la hiérarchie et le conflit. »

La fondation d’un ordre implique l’inégalité et la hiérarchie.

L’ordre naît de la différence des êtres; une différence qui s’établit systématiquement en hiérarchie. Selon Saint Thomas d’Aquin : « On voit que l’ordre consiste principalement en inégalité (ou différence : disparitae). ». C’est ainsi que  Dumont (1983) peut affirmer que « c’est seulement par une perversion ou un appauvrissement de la notion d’ordre que nous pouvons croire à l’inverse que l’égalité peut par elle-même constituer un ordre. »

La hiérarchie induit des devoirs, l’égalité des droits.

La position de supérieur inspire naturellement un sentiment d’obligation vis-à-vis de ceux qui sont en position d’inférieur. « Noblesse oblige » disait-on sous l’Ancien Régime. En revanche, le sentiment d'égalité inspire la prétention d'obtenir des droits.

Plus l’égalité progresse, plus l’anomie, l’anarchie et la violence aussi.

Un monde homogène est un monde désordonné. Que serait une société où tout le monde est roi? Une société de fantômes de rois sans sujets. A-t-on jamais vu une armée mexicaine où tous les soldats sont généraux remporter une victoire?

L’état égalitaire pure est un état anarchique et violent. C'est bien l'intuition de Thomas Hobbes. Dans le De Cive (1642), il affirme que les hommes sont naturellement égaux entre eux ; d’où leur naît, cette mutuelle volonté de se nuire les uns les autres. L’état de nature est un état de liberté absolue, d’anarchie, un état de guerre et d’hostilité. Pour Hobbes, tous les hommes sont égaux car ils disposent tous du pouvoir de tuer les autres ; ils ont une égalité de forces, aucun n’est assez fort pour être à l’abri du plus faible d’entre eux[2]. Aucun ne peut espérer ni assurer sa conservation ni vivre longtemps. Charles Maurras dans L’ordre et le désordre (1948), pense également qu’une société d’égaux serait vouée à l’anarchie : « Dans une société d’égaux réels, on commencerait pas s’entretuer. » Et l’anarchie est encore pire que la tyrannie ou le despotisme. Mais Maurras ne croit pas qu’une telle société puisse exister.

Alexis de Tocqueville, dans La Démocratie en Amérique (1835) explique que lorsque les différences entre les classes sont importantes et soutenues par une longue tradition, les gens finissent par les accepter. En revanche, lorsque la société est mobile et que les groupes sont assez proches les uns des autres, les gens deviennent plus conscients et plus aigris des différences persistantes. Ainsi, réduire les inégalités présente aussi le risque de les exacerber. Car la passion pour l’égalité ne diminue pas nécessairement avec la réalisation d’une égalité matérielle plus grande. L’égalité excite au contraire la convoitise, l’envie, la jalousie, l’orgueil, et les ressentiments.

La révolution française est survenue dans la société la moins inégalitaire et la moins despotique de l’Ancien Régime

Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution (1856) consacre deux chapitres à montrer « Que la France était le pays ou les hommes étaient devenus le plus semblables entre eux » (chapitre VIII) et « Comment ces hommes si semblables étaient plus séparés qu’ils ne l’avaient été en petits groupes étrangers et indifférents les uns aux autres » (chapitre IX). Ce qui frappe Tocqueville, c’est que la révolution est survenue dans la société la moins inégalitaire et la moins despotique qui fût à l’époque : « Une chose surprend au premier abord : la Révolution dont l’objet propre était d’abolir partout le reste des institutions du moyen âge, n’a pas éclaté dans les contrées ou ces institutions, mieux conservées, faisaient le plus sentir au peuple leur gêne et leur rigueur, mais, au contraire, dans celles ou elles les lui faisaient sentir le moins ; de telle sorte que leur joug a paru le plus insupportable là où en réalité il était le moins lourd. (…)»

« Mais ce qui m’importe ici, c’est de remarquer que, dans toute l’Europe alors, les mêmes droits féodaux, précisément les mêmes, se retrouvaient et que, dans la plupart des contrées du continent, ils étaient bien plus lourds. » (in Livre II, Chapitre I). [3]

L’égalité est irréalisable

N’ayant aucun fondement dans le réel, l’égalité est de toute façon irréalisable. Edmund Burke avait déjà bien vu cela, dans Réflexions sur la révolution de France (1791) : « Croyez m’en, Monsieur, ceux qui prétendent niveler n’instaurent jamais l’égalité.[4] » Il y a aura en effet toujours des gouvernants des gouvernés, des maîtres et des serviteurs, de toute sorte, des riches et des pauvres. Ces inégalités subsistent même dans un régime démocratique. En réalité, les inégalités qui subsistent le plus sont celle de l’avoir : Comme le souligne Bénéton (1997, p.58), « Seul l’avoir distingue les hommes » et non l’être[5].

L’égalité est une passion destructrice de toutes choses qui met en danger jusqu’à l’être même.

L’égalité travaille à l’avènement d’un monde aplati, d’un monde homogène. Elle pulvérise les sociétés humaines et les réduit à un tas de sable. Elle brise toutes les différences, même les plus naturelles : homme-femme et parents-enfants.

Ce faisant, elle tend à vider chacun de son être. L’autre devient le même suivant une absence d’être. Bénéton (1997, p.35) appelle cela « l’égalité par défaut » : « Elle est une égalité radicale qui exclut toute inégalité vitale. L’homme est pure indétermination, autonomie sans boussole, liberté sans vocation, il est ce qu’il se fait.». Bénéton (1997, p.72) décrit alors l’homme dans un monde où règne cette « égalité par défaut » : « Tous les hommes sont identiquement vides ou à peu près. L’autre est le même par absence d’être. [6]»

L’égalité envahit toutes les sphères. Elle est une onde de choc qui désagrège tout sur son passage. L’égalité des droits annihile la justice, laquelle consiste à rendre à chacun selon son dû. L’égalité des opinions annihile la vérité. Le monde se peuple de Ponce Pilate qui clame : à chacun sa vérité ! L’égalité des hommes lamine tout pouvoir ; toute autorité devient illégitime et arbitraire.

L’égalité appelle au meilleur ou au pire de soi-même

L’égalité est l'idée la plus horizontale et pourtant elle conserve en elle-même une aspiration verticale. Selon Chesterton, il y a deux manières de dire l’égalité : « Vous valez le duc de Buckingham » ou « Le duc de Buckingham ne vaut pas mieux que vous. » La première manière, Bénéton (1997) l’appelle « l’égalité substantielle » tandis qu'il appelle la seconde manière, « l’égalité par défaut » : « d’un côté, « nous sommes semblables par-delà nos différences », de l’autre, « nous sommes semblables parce que nos différences ne signifient rien (…). »  Ainsi, il y a au coeur même de l’égalité deux élans contradictoires. D’un côté, l’élan des enfants de Dieu qui veut élever au meilleur de soi-même. De l’autre, un élan chtonien qui abaisse toute chose au pire de soi-même.

L’égalité et l’inégalité ne peuvent être érigées en fins, elles ne sont que des moyens.

L’égalité et l’inégalité ne peuvent être érigées en fins politiques. Charles Maurras, dans L’ordre et le désordre (1948) pensait que: « L’objectif idéal des sociétés ne doit être placé ni dans l’égalité, ni dans l’inégalité de qui que ce soit, l’objectif idéal des sociétés, c’est leur prospérité générale et non l’usage de tel ou tel moyen en vue de ce but. L’égalisation, l’inégalisation aussi bien que l’assujettissement et l’émancipation sont de simples moyens et nullement des buts ; ils varient donc avec le temps, les lieux, les circonstances. Tantôt, il faut que la fortune et les conditions soient un peu nivelées, leur différence extrême unissant au bien public, tantôt ce même bien exige que des fossés soient creusées, des distances marqués et des différences sociales senties. »

[1] Rousseau, dans De l’inégalité parmi les hommes (1753), opère uniquement par raisonnement analytique : « Commençons donc par écarter tous les faits ; car ils ne touchent point à la question. »

[2]  « et combien aisé il est au plus faible de tuer l’homme du monde le plus robuste. (…) Ceux-là sont égaux, qui peuvent choses égales. Or ceux qui peuvent ce qu’il y a de plus grand et de pire, à savoir ôter la vie, peuvent choses égales. Tous les hommes donc sont naturellement égaux. L’inégalité qui règne maintenant a été introduite par la loi civile. » in Le citoyen, Section première La liberté, chapitre I, III. L’inégalité se tire des richesses, de la puissance, ou de la noblesse des maisons, et vient de la loi civile.

[3] Nombreux sont les auteurs qui ont loué la qualité de vie en France sous l’Ancien Régime. Selon Nicholas Machiavel, dans le Discours sur la première Décade de Tite Live (1527), lib. I, c. LVIII, le royaume de France a le gouvernement le plus tempéré par les lois. Il ajoute ailleurs : « Le royaume de France est heureux et tranquille, parce que le Roi est soumis à une infinité de lois qui font la sûreté des peuples. Celui qui constitua ce gouvernement voulut que les Rois disposassent à leur gré des armes et des trésors ; mais pour le reste, il les soumit à l’empire des lois » (lib.I, c. XVI). Hugo Grotius dédicace son œuvre Le droit de la guerre et de la paix (1625) à Louis XIII et à cette occasion loue son sens de la justice et de la miséricorde ; lui dont le royaume n’a de supérieur que celui du ciel. Joseph de Maistre dans Considérations sur  la France (1796) note que le mot de citoyen existait en France avant la révolution alors qu’il ne pouvait être traduit dans les autres langues européennes. Il cite Racine fils qui adressa au Roi de France au nom de la ville de Paris le vers suivant : Sous un Roi citoyen, tout citoyen est Roi (in chapitre VIII).  Même Talleyrand soutenait que : “Qui n’a pas vécu avant 1789 n’a pas connu la vraie douceur de vivre.”

[4] Edmund Burke (1791), Réflexions sur la révolution de France, Hachette, édition 1989, p.62.

[5] Ce qui importe, c’est le sens et la légitimité de ces diverses hiérarchies et par conséquent la nature des rapports entre supérieurs et inférieurs.

[6] Philippe Bénéton (1997), De l’égalité par défaut Essai sur l’enfermement moderne, Criterion.


19 juillet 2007

17. Le drame de la devise républicaine française : liberté, égalité, fraternité

Il y a dans la devise républicaine tout le drame de la république française,  tout le drame de la France depuis la révolution française et peut être tout le drame du monde moderne.

Liberté, égalité et fraternité sont les trois têtes de l’hydre de la république, dont les deux premières sont enragées tandis que la troisième est amorphe.

La liberté veut se distinguer, se différencier, se distancier, s’émanciper, se séparer ; elle veut s’élever, surplomber, s’extirper de l’horizon; elle est principe mâle, la mâle liberté. Elle se grise de sa différence. Elle s’exclame : « Moi, je veux. Je fais ce que je veux».

L’égalité veut tout mêler, tout confondre, tout conformer. Elle veut tout niveler, aplanir l’horizon, atteindre l’indifférenciation. Elle est principe femelle, la femelle égalité. Et pourtant, elle met tout en guerre car elle a en haine les différences et les hiérarchies ; elle les nie - même les plus naturelles. Elle ne voit pas les choses comme elles sont. Elle crie : « Nous vous nouons. Nul ne vaut mieux que moi ».

La liberté est une source intarissable de différence, et l’égalité veut abolir la différence, car la différence constate l’existence d’autre chose, et l’égalité veut le même, le semblable, l’identique. Au fond, l’égalité veut l’uniformité et la liberté c’est l’autre. L’égalité est despotique, l’égalité est totalitaire. La liberté est anarchique, la liberté est libertaire.

Alors la liberté et l’égalité se jettent avec rage l’une contre l’autre et s’affrontent. La lutte s’engage entre les « libres-différents » et les « égaux-identiques ». Les premiers marchent sur les seconds et  leur passent sur le corps. Les seconds veulent enchaîner les premiers et les soumettre.

Et la fraternité ? Historiquement, sa tête a poussé sur l’hydre un peu plus tard[1] mais elle est en catatonie. Car il ne s’agit pas ici de la vraie fraternité. Il s’agit de la fraternité républicaine, de la fraternité révolutionnaire qui a pris naissance dans le parricide ; les frères ont voulu se libérer de l’autorité du père et prendre sa place, devenir son égal. Joseph de Maistre disait ainsi : « En coupant la tête au roi, la Révolution a coupé la tête à tous chefs de famille. » C’est donc une fraternité parricide, décapitée, coupée de la sève paternelle ; le lien filial est rompu.

Dans la Déclaration des droits et devoirs du citoyen figurant dans la constitution de 1795, les révolutionnaires se sont efforcés de définir la fraternité sur un mode purement horizontal : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fit ; faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir [2]». 

Comment les révolutionnaires ont-ils pu concevoir l’inconcevable, une fratrie sans père, une fraternité pure de tout lien filial ? Les révolutionnaires ont oublié que pour être frère il faut avoir un père commun, et que l’unité se fait toujours par le haut, par « quelqu’un au-dessus », par la sortie de l’horizontalité absolue et l’avènement d’une verticalité créatrice d’un ordre. Sans verticalité, sans transcendance, point d’ordre. Comment pourrions nous vivre autrement ?

Dès lors, cette fraternité parricide est incapable de maîtriser la férocité de la liberté et de l’égalité. La liberté passe à côté de la fraternité en l’ignorant ; celle-ci l’indiffère, et elle ne veut pas qu’on l’oblige. L’égalité au contraire agresse la fraternité ; elle s’acharne contre elle car elle la juge responsable du germe de la différence, de l’altérité, ainsi que des affres de la liberté :  « Tout cela est de ta faute, si nous étions tous des clones, tout cela n’arriverait pas. D’où provient qu’il y a de l’autre, irréductible ? Tu dis que nous sommes de la même famille mais la liberté m’écrase ! La liberté dit : « je suis unique ! je mérite des privilèges ! » Et tu ne réagis pas. »

Alors la liberté et l’égalité commettent perpétuellement le fratricide, l’une sans l’autre, l’une avec l’autre, l’une contre l’autre. Tels deux visages de Caïn, l’égalité dit : « Allons au champs  » ; tandis que la liberté dit : « Suis-je le gardien de mon frère ?[3] ». Et la fraternité est sacrifiée.

S’il s’agissait de la vraie fraternité - celle unie par le père, celle qui par conséquent se vit dans une famille- c’est elle qui dévorerait la liberté et l’égalité : a-t-on besoin d’être libre entre frères ? A-t-on besoin d’être égaux entre frères ? Dans une famille, on ne se pose pas ces questions ; elles n’ont pas de sens : chacun est à sa place, respecté, aimé pour ce qu’il est. La fraternité porte en elle l’égalité : nous sommes les enfants d’un même père, nous appartenons à la même famille[4]. Les inégalités naturelles sont dépassées. La fraternité est porte en elle la liberté : la famille nous rend libre car elle veut notre bien.

Et que devient l’homme dans tout cela ? Sevré, possédé par ces passions, l’homme se replie sur lui-même ; il s’isole, il se réduit à n’être qu’un individu, dont la liberté exalte son génie et l’égalité flatte sa médiocrité. Tocqueville a bien pressenti dans la Démocratie en Amérique, la pente naturelle de cette nouvelle société : « dans les siècles d’égalité, chaque homme cherchait en lui-même ses croyances (…) il tourne tous ses sentiments vers lui seul. »

La révolution française a déclenché un tsunami de liberté et l’égalité qui continue sa course à travers la planète et qui renverse sur son passage toutes les sociétés humaines (communautés naturelles, institutions) et s’efforce de les refondre sur la base d’une association d’atomes-individus libres et égaux. La liberté et l’égalité font « table rase ».

En réalité, la boîte de Pandore des idées pures avait été ouverte avant la révolution. Selon Tocqueville (1856), sont nées et se sont développées en France au 18ème siècle « deux passions principales, qui n’ont point été contemporaines et n’ont pas toujours tendu au même but.  L’une, plus profonde et venant de plus loin, est la haine violente et inextinguible de l’inégalité. (…) L’autre plus récente et moins enracinée, les portait à vouloir vivre non seulement égaux, mais libres. (…)

A l’entrée de la Révolution, elles se rencontrent ; elles se mêlent alors et se confondent un moment, s’échauffent l’une l’autre dans le contact, et enflamment enfin à la fois tout le cœur de la France.(…)[5] » 

Le diptyque Liberté-égalité fut notamment théorisé par Rousseau dans le Contrat Social, Livre II, chapitre 11 : « Si l’on recherche en quoi consiste précisément le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système de législation, on trouvera qu’il se réduit à ces deux objets principaux, la liberté et l’égalité. La liberté, parce que toute dépendance particulière est autant de force ôtée au corps de l’Etat ; l’égalité, parce que la liberté ne peut subsister sans elle. »

Tocqueville est l’un des premiers auteurs à avoir insisté sur l’antagonisme entre la liberté et l’égalité : « Alors les Français furent assez fiers de leur cause et d’eux-mêmes pour croire qu’ils pouvaient être égaux dans la liberté.[6] ». Jean-Jacques Chevalier (1993) résume ainsi la réflexion tocquevillienne: « le problème capital [selon Tocqueville] de la science politique à venir se pose dans les termes suivants : comment sauver la liberté, gage de la dignité et de la qualité humaines, dans le cadre de la démocratie inéluctable ?[7] »

Ainsi, comment dans une société où les hommes tendent à devenir de plus en plus égaux, conserver la liberté et ne pas tomber dans le despotisme ? Il observe que dans les régimes démocratiques l’égalité domine sur la liberté et devient liberticide ; et la tendance est au nivellement généralisé. Il se demande avec angoisse comment défendre la liberté dans les siècles démocratiques (ou l’état de la société se caractérise par l’égalité des conditions). La question posée par Tocqueville de la compatibilité entre l’égalité et liberté est celle de la conciliation de l’idéal démocratique et de l’idéal libéral. Tocqueville insiste surtout sur le renversement de la liberté par l’égalité dans une société démocratique, car « les hommes montrent un amour plus ardent pour l’égalité que pour la liberté. » Ils sont même prêts à y sacrifier leur liberté.

L’absolutisation de la liberté et de l’égalité ont donné naissance aux deux systèmes idéologiques qui dominent la pensée moderne, respectivement le libéralisme et le socialisme[8].

Trois passions à maîtriser : La liberté obéissante, L’égalité hiérarchique, la fraternité filiale.

Or, la liberté et l’égalité ne peuvent être livrées à elles-mêmes ; elles ont besoin d’être éduquées. Telles des plantes grimpantes, chacune de ces passions a besoin d’un tuteur pour s’élever. Le tuteur de la liberté est l’obéissance ; celui de l’égalité est la hiérarchie ; celui de la fraternité est la piété filiale[9].

Si l’âme humaine a besoin de liberté, elle a aussi besoin d’adhérer, de consentir, de souscrire, d’acquiescer, et de se soumettre. En un mot, d’obéir. Alors, la liberté est réfrénée.

Si l’âme humaine a besoin d’égalité, elle a aussi besoin de trouver sa place dans l’échelle sociale, de se subordonner, de révérer, de vénérer, de se vouer et de se dévouer. En un mot, de hiérarchie. Alors, l’égalité est mise en ordre.

Si l’âme humaine a besoin de frères, elle gémit de n’avoir pas de parents car elle a besoin d’amour et d’autorité. Alors, la fraternité se fait plus humaine.

La révolution a voulu libérer ces passions de leur tuteur naturel. Elle a porté atteinte en profondeur à l’obéissance, la hiérarchie et l’autorité paternelle.

Trois passions à ordonner à une fin : La liberté au bien, l’égalité à la justice, la fraternité au Père.

Mais ces tuteurs ne suffisent pas ; ils ne sont que des moyens non des fins. Car toute passion doit être ordonnée à une fin selon sa nature : la liberté ordonnée au bien, l’égalité ordonnée à la justice ; la fraternité ordonnée au père. Alors, chacune de ces passions, animée d’un élan vertical, peut s’élever au-dessus d’elle-même ; chacune peut sortir de son animalité. Elles peuvent tout concevoir, tout oser, tout entreprendre.

Notre devise républicaine souffre par conséquent depuis l’origine d’un vice de conception. Elle est bancale[10], porteuse d’instabilité et d’anomie sociales, incapable de fonder un ordre politique viable.

Si une certaine harmonie sociale perdure, ce n’est pas grâce aux valeurs du triptyque républicain mais malgré celles-ci. Ce sont les liens naturels (la famille, le travail, la patrie, la religion) qui maintiennent le tissu social ; ces liens subissent jour après jour une lente érosion. L’individualisme et l’Etatisme poursuive leur travail de sape des communautés naturelles que la solidarité d’Etat ne pourra jamais refonder.


[1] Dans un discours sur l'organisation des gardes nationales, Robespierre préconise, en décembre 1790, que les mots "Le Peuple Français" et "Liberté, Égalité, Fraternité" soient inscrits sur les uniformes et sur les drapeaux, mais son projet n'est pas adopté.
En 1791, un membre du club des Cordeliers propose cette devise qui est adoptée, en avril 1792, au cours de la fête de la liberté. Elle sera inscrite sur toutes les façades des édifices publics, en 1793, sur les ordres du maire de Paris, pour rappeler à la population les principes fondamentaux de la Révolution. Rapidement imités par des autres villes, les habitants peignent sur la façade de leurs maisons les mots suivants : "unité, indivisibilité de la République ; liberté, égalité ou la mort". Mais ils sont bientôt invités à effacer la dernière partie de la formule, trop associée à la Terreur. Lorsque est rédigée la constitution de 1848, la devise " Liberté, Egalité, Fraternité " est définie comme un " principe " de la République.

[2] Cette définition emprunte d’ailleurs à la Règle d’or de Jésus :« Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faîtes-le vous-même pour eux : voilà la loi et les Prophètes. » (Matthieu, 7, 12). « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous faites-le pareillement. » (Luc, 6, 31).

[3] Voir Genèse, chapitre 4, où Caïn tue son frère Abel.

[4] L’égalité évangélique est celle de l’égalité des enfants de Dieu.

[5] Alexis de Tocqueville (1856), L’Ancien Régime et la Révolution, Livre III, Chapitre 8.

[6] Alexis de Tocqueville (1856), op.cit. D’autres auteurs ont relevé la contradiction dans les passions françaises. Le Général de Gaulle, par exemple, dans La France et son armée (1938) affirmait ainsi : « le désir du privilège et le goût de l’égalité, passions dominantes et contradictoires des Français de toute époque (…). »

[7] Jean-Jacques Chevalier (1993), Histoire des idées politiques, Grande Bibliothèque Payot, p.773.

[8]  Lénine disait ainsi pour manifester une désaffection cynique pour la liberté: « La liberté, pour quoi faire ? » Cité par George Bernanos, dans La liberté pour quoi faire ? (1953)

[9] Simone Weil, dans L’enracinement (1949), s’efforce de dresser une liste des besoins de l’âme parmi lesquels elle inclut la liberté et l’obéissance, l’égalité et la hiérarchie. Selon elle, « les besoins [de l’âme] s’ordonnent par couples de contraires, et doivent se combiner en un équilibre. »  (Cf. Ière partie : Les besoins de l’âme).

[10] Margaret Thatcher interrogée à propos de la devise de la République française disait: «  Je crois qu’on a oublié les devoirs et obligations dans cette devise. » Cité dans NRH, n°31, Juillet-Août 2007.

17 juillet 2007

16. La question de la reconnaissance sociale de l'homosexualité

La sexualité entre déterminismes biologiques et sociaux, entre l’inné et l’acquis

Il y a deux conceptions contradictoires de la sexualité mais qui, l’une et l’autre, sont avancées  pour justifier l’homosexualité:

    - La première qui soutient que  l’orientation sexuelle (homosexuelle, hétérosexuelle, bisexuelle…[1]) est donnée à la naissance et qu’elle s’impose à nous, elle est non choisie. L’orientation sexuelle serait biologique et il y aurait un gène de l’homosexualité. Les personnes homosexuelles ne peuvent être considérées comme moralement responsables.

     - La seconde pense, au contraire, que l’on naît sans orientation sexuelle et qu’on la choisit. L’homme naît androgyne ou unisexe ; il n’y a pas de différence de sexe mais des différences de sexualité, chacun choisit son orientation sexuelle : c’est la théorie du « Gender » (genre sexuel), une théorie née aux Etats Unis dans les années 70 mais qui fut inspirée par des philosophes français (Beauvoir, Derrida, Deleuze, Foucault, Lacan). Dans ce cas, l’orientation sexuelle est surtout construite socialement. Les orientations sexuelles sont le produit d’un environnement socioculturel et d’un choix individuel et aucune n’a plus de valeur qu’une autre.

Chacune de ces conceptions possède une petite part de vérité - sinon elle ne parviendrait pas à se maintenir dans le débat -mais une petite part seulement !

La sexualité est innée dans la mesure où la nature nous a faits don d’un corps et d’une psychologie sexuée ; la sexualité est acquise dans la mesure où elle est influencée par l’éducation, la culture et le système social. Mais la psycho-biologie nous prédispose naturellement à une sexualité hétéro. A contrario, en dépit d’un patrimoine génétique rigoureusement identique (deux jumeaux homozygotes), l’un peut être hétéro et l’autre homo ; preuve que l’environnement familial et socioculturel exerce une influence sur la sexualité.

L’homosexualité est une hétérosexualité endommagée

Il existe une erreur de raisonnement de plus en plus courante qui consiste à mettre l’hétérosexualité et l’homosexualité sur le même plan et les considérer de manière égale et symétrique. L’hétérosexualité ne serait qu’un autre type de sexualité, une autre manière d’aimer.

En fait, le terme « homosexuel » incite déjà à le faire car il a été construit de manière symétrique au terme « hétérosexuel ». L’invention de ce vocable à la fin du 19ème siècle traduit ainsi un changement d’état d’esprit. Auparavant, l’amour entre personnes du même sexe constituait un comportement sexuel déviant ne jouissant d’aucune reconnaissance sociale. L’adoption de ce terme coïncide avec la revendication d’une identité sexuelle alternative et équivalente à l’identité hétérosexuelle[2].

En considérant de manière égale l’hétérosexualité et  l’homosexualité, on commet en fait une erreur semblable si l’on traitait de la même manière la bonne santé et la maladie, la vie et la mort, le bien et le mal, ou la vérité et le mensonge. Le second terme de chaque couple ne se définit que par le premier : la maladie est une absence de santé ; le mensonge est une absence de vérité, la mort est une absence de vie, le mal une absence de bien. 

On sait depuis Aristote que le mal n’existe pas ontologiquement, le mal est une privation d’être, un dommage à l’être. (Cf. ma chronique sur le statut ontologique du mal).

De même, l’homosexualité est dommage causé à la sexualité hétéro et ce faisant, à l’homme, car elle n’est pas porteuse de vie mais de souffrance et de mort. La psychanalyse dit à peu près la même chose lorsqu’elle soutient que l’homosexualité est un inachèvement de la construction de la sexualité. Xavier Lacroix (2004), la qualifie « d’incapacité à accéder érotiquement au désir de l’autre sexe », ou encore « un arrêt sur le chemin vers l’altérité ».

On naît hétérosexuel et l’on devient homosexuel

Tout être humain naît avec une identité sexuée ainsi qu’une attirance naturelle vers le sexe opposé même s’il ne prend conscience de l’une et de l’autre que progressivement au cours de l’enfance et de l’adolescence par son éducation ; il devient ce qu’il est (un garçon, une fille) après avoir traversé une longue période de vulnérabilité et de maladresse sexuelles.

L’homosexualité constitue donc un dévoiement de la sexualité telle que la nature l’a conçue ; elle est contre nature pour plusieurs raisons :

- Les pratiques homosexuelles ne permettent pas la reproduction. Elles ne sont pas fécondes ; elles correspondent  à un détournement des organes génitaux  à d’autres fins que la procréation[3] ainsi qu’à une négation de la différence et de la complémentarité des sexes. En revanche l‘union hétérosexuelle est féconde ; elle permet aux hommes de s’assurer une descendance - et donc une forme d’immortalité - mais aussi de s’épanouir et de s’accomplir dans la paternité ou la maternité (une femme n’est jamais plus belle que lorsqu’elle est enceinte).

- La nature, qui offre toujours l’exemple de la parcimonie et de l’efficacité, n’aurait pu « sélectionner » des comportements stériles qui gaspillent du patrimoine génétique et qui menacent la survie de l’espèce humaine. On remarque d’ailleurs qu’elle ne l’a pas fait dans le reste du monde vivant.

- N’ayant pas été prévues par la nature, les pratiques homosexuelles sont plus à risque pour les Maladies Sexuellement Transmissibles (MST) comme le SIDA car les parois anales protègent naturellement moins des contaminations.

Donc il semble que l’on « naît » hétérosexuel et que l’on « devient » homosexuel[4].

En fait, à l’instar du Catéchisme de  l’Eglise catholique (1992), il faut distinguer « attrait homosexuel » (homoaffectivité) et « acte homosexuel » (homoérotisme). L’attrait est plutôt subi, l’acte est plutôt choisi.

L’attrait homosexuel semble très souvent « déclenché » chez des personnes qui ont subi des épreuves et des traumatismes personnels graves qui les ont profondément blessés. Ces traumatismes ont particulièrement lieu dans l’enfance (notamment les défaillances dans les relations parentales qui empêchent l’identification au parent du même sexe[5] et les abus sexuels[6]). D’après Verlinde (2005, p.74), « (…) la grande majorité des cas d’homosexualité répond au premier schéma proposé : l’enfant devenu adulte tnete de poursuivre son chemin de croissance là où il s’est interrompu. Il se met en quête d’une personne du même sexe à qui il demande inconsciemment e jouer le rôle du parent manquant, cherchant à s’y identifier, afin de trouver en lui (ou en elle) la force intérieure qui lui fait défaut. »

De ce fait, leur vie affective et sexuelle n’a pu mûrir normalement ou a été endommagée et déréglée ; leur volonté et leur sens moral ont pu être également extrêmement émoussés et affaiblies par certains traumatismes. Ces personnes sont victimes de troubles identitaires radicaux qui se traduisent notamment par un refus de l’altérité, la détestation ou la peur de l’autre sexe.

Les personnes homosexuelles ne semblent donc, dans une large mesure, pas responsables de leur attrait homosexuel[7].

En revanche, elles sont responsables de leur passage à l’acte. On pourrait dire qu’elles ont choisi « d’entrer en homosexualité », même si leur volonté était certainement considérablement affaiblie au moment du choix.

L’homosexualité active requiert un choix conscient car on ne peut transgresser les lois de la nature sans s’en rendre compte. Ici s’affirme la liberté de l’homme et non son conditionnement : l’homme a le pouvoir de se détourner de sa condition naturelle et même de la pervertir. En outre, il faut surmonter de nombreux obstacles et tabous socioculturels pour passer à l’acte. L’existence de ces deux gardes fous, nature et société, rend donc difficile un choix inconscient. Preuve en est que des personnes « changent d’avis[8] » au cours de leur vie : elles deviennent homosexuelles ou redeviennent hétérosexuelles[9],

Le problème de l’homosexualité nous ramène à l’une des questions anthropologiques les plus fondamentales : l’homme dispose-t-il oui ou non du libre-arbitre ? Si oui, l’homme est responsable de ses actes, coupable moralement le cas échéant, mais il peut être éduqué et il est perfectible comme le pensait Rousseau. Si non, il est irresponsable de ses actes, il n’est donc pas condamnable moralement ; il est déterminé, il n’est qu’une victime.  On tombe alors facilement dans le fatalisme, ce qui dans le domaine politique constitue une mauvaise hygiène pour l’action.

Quelques objections politiques à la reconnaissance sociale de l’homosexualité

L’Etat doit juger tout comportement social à l’aune du bien commun. 

Nombreuses sont les objections que l’on puisse faire à l’homosexualité (psychologique, morale, religieuse…). On se bornera ici à des objections politiques en avançant plusieurs principes de gouvernement qui, nous semble-t-il, justifient le refus d’accorder à l’homosexualité un statut social.

1. Les lois de la cité doivent s’établir suivant leur conformité à la loi naturelle. Faisant usage de sa raison, l’homme est capable de recourir à la nature comme instance morale et d’en extraire un certain nombre de principes à respecter. La nature a fait l’humanité sexuée. Toute personne humaine est marquée par son sexe, homme ou femme. De ce fait, la différence des sexes est au fondement du lien social. Pour son bien, la cité se doit de respecter cette différence naturelle, ce qui a pour corollaire de privilégier la sexualité orientée vers la procréation, les unions stables hétérosexuelles favorisant la fondation d’une famille, cellule de base de la société. La mise sur le même plan par la loi des couples hétérosexuels et des couples homosexuels reviendrait à dévaloriser les premiers et à survaloriser les seconds et à dénaturer notamment les notions de parentalité, filiation, transmission et héritage. L’homosexualité ne peut pas être en soi source positive de droits humains.

Quatre autres principes permettent de rechercher la loi naturelle.

2. On peut juger un comportement à son degré de consentement universel

On s’appuie ici sur la sagesse des sociétés humaines. L’homosexualité fait partie des comportements qui subissent une réprobation quasi-universelle[10], au même titre que l’inceste ou la pédophilie.  D’après l’historien Rouche (2004, p.48), « s’il est certain que l’homosexualité a traversé tous les siècles, toutes les cultures, et qu’il n’y a pratiquement aucune société qui ne la connaisse pas, sous une forme ou sous une autre, il est certain aussi qu’il n’existe pas de civilisation ou de période de l’histoire ou l’homosexualité en tant que telle ait été valorisée.[11] »

Contrairement à ce que l’on soutient souvent, l’attitude des Grecs vis-à-vis de l’homosexualité était extrêmement ambiguë. L’allusion la plus ancienne à l’homosexualité se trouve dans Le Banquet de Platon, à propos du mythe antique de l’androgyne. Platon y souligne qu’à son époque « cette catégorie n’existe plus et il n’en reste qu’un nom tenu pour infamant. ». D’après Rouche (2004), « La pédérastie ne fut jamais légalisée en Grèce ». Platon l’interdit dans sa République idéale. Les lobbies gays aux Etats Unis et en Europe qui se targuent de représenter la « communauté homosexuelle (sic)[12]» entendent faire disparaître cette stigmatisation sociale et culturelle. Ils ont obtenu au cours des vingt dernières années des avancées importantes dans un nombre toujours croissant de pays.

3. On peut juger un comportement en imaginant sa généralisation à l’ensemble de la société. La sagesse populaire dit ainsi souvent pour réprimander quelqu’un de sa mauvaise conduite : « Heureusement que tout le monde ne se comporte pas comme toi ! Ou en serait le monde si c’était le cas? ». Le simple fait qu’un comportement ne soit pas généralisable au niveau macro, suffit à le disqualifier au niveau micro. L’Etat ne peut se permettre de laisser ce type comportement faire des émules et se propager dans toute la société. Or, pour ce qui concerne l’homosexualité, il devrait sauter aux yeux de tout le monde que sa généralisation constituerait la mort de la société même. Ainsi, le député UMP Christian Vanneste avait affirmé dans La Voix du Nord le 26 janvier 2005 que "l'homosexualité est inférieure à l'hétérosexualité. Si on la poussait à l'universel, ce serait dangereux pour l'humanité (...)". La formulation était certes un peu rude mais il ne faisait qu’énoncer une évidence. Il a été condamné pour propos « homophobe (sic) ».[13] L’historien Rouche (2004, p.48) résume bien l’enjeu pour la société : « En fait, toutes les sociétés buteront toujours sur le statut à donner à l’homosexualité comme critère de création sociale car, dès lors qu’elle le fait, la société accepte sa propre mort. Il n’existe pas d’exemple de société qui, faisant de l’homosexualité une norme, ait connu une pérennité. L’Etat doit donc encourager les comportements féconds qui assurent la survie de la nation et de l’humanité.[14] »

4. On peut juger un comportement, tel un arbre à ses fruits. Or là encore, il ne semble faire aucun doute que l’homosexualité n’en produit malheureusement pas. Bien au contraire, outre la stérilité, l’homosexualité charrie, quoique de manière non systématique, d’autres comportements déviants plus ou moins graves qui ne sont, certes, pas l’apanage des personnes homosexuelles - loin s’en faut - mais que l’on retrouve en général dans une plus forte proportion dans la « communauté » homosexuelle (culte du corps et de la jeunesse, narcissisme, misogynie, vagabondage sexuel, compulsivité et addiction au sexe[15],  taux de suicide élevé[16], pédophilie[17], promotion de l’intimité intergénérationnelle homme adulte-garcon[18]).

Jusqu’en 1975, l’OMS rangeait l’homosexualité dans le chapitre « Déviations et troubles sexuels » de sa Classification internationale des maladies (ICD), aux côtés de la zoophilie, de la pédophilie et du travestisme. A cette date, son déclassement fut obtenu par vote, ce qui semble trahir le caractère idéologique et non scientifique de la décision.

5. On peut juger un comportement aux conséquences sur les plus faibles de la société. Ici, on considère la question de l’adoption d’enfants par des personnes homosexuelles. Les droits de l’enfant doivent primer sur un prétendu « droits à l’enfant ». La différence sexuelle est la différence première et la plus fondamentale entre les humains ; par conséquent l’expérience de cette différence et son acceptation est essentielle dans la construction de l’identité de l’enfant - tous les psychologues sérieux en conviendront ; en sorte qu’un enfant a droit à un papa et à une maman pour grandir et apprendre à devenir un homme. Le bon sens devrait suffire pour l’affirmer. Selon Dumas (2004, p.82), « La psychanalyse nous a appris que l’intelligence, la vivacité et la santé mentale d’un enfant dépendent en premier lieu de sa capacité à référer son existence à une autre personne que sa mère[19]. Or ce rôle qui revient aux pères dans l’épanouissement psychique des enfants se retrouve dans celui des civilisations. Dans les sociétés matrilinéaires, ou les hommes n’ont pas pris conscience qu’ils ont à transmettre à des enfants de leur sang l’expérience de leur propre vie, il n’y a pas besoin d’inventer l’écriture. La prise de conscience du rôle du père et l’apparition des sociétés patrilinéaires coïncident avec celle de l’écriture. L’essor intellectuel de la civilisation grecque est directement lié au fait que les enfants y étaient, socialement et juridiquement, référés à leur père. » La santé mentale des enfants est donc en jeu et celle de la société dans son ensemble. L’Etat se doit donc de garantir aux plus faibles les conditions les plus favorables à leur épanouissement ; ces conditions semblent même propices au développement de la civilisation. Or la reconnaissance sociale des couples homosexuels conduira inévitablement à la légalisation de l’adoption par des personnes homosexuelles. L’adoption suivra le mariage homosexuel comme son ombre. Dès lors, il est important de refuser une quelconque reconnaissance sociale à l’homosexualité qui aurait pour effet de la normaliser et la banaliser.

Par contre, il va de soi que l’Etat doit veiller à ce que les personnes homosexuelles ne soient victimes d’aucune sorte de discrimination sociale dans tout autre domaine que le droit de la famille.

L’homosexualité en vaine quête de normalité

Quel que soit le statut social obtenu par l’homosexualité, il demeurera toujours la réprobation de la nature qui n’agrée pas ces pratiques et les sanctionne par la stérilité. Dans la volonté d’obtenir le droit d’adoption, on sent poindre le désir des lobbies homosexuels de forcer la société à leur donner cette fécondité que la nature leur refuse. Mais quand bien même les personnes homosexuelles obtiendraient le droit d’adopter des enfants, demeurerait l’incapacité physiologique de jouir de la sexualité sans artifices, gestes de substitution ou détournement d’orifices.

Le désir de normalité ne sera donc jamais totalement assouvi. Subsistera toujours dans le cœur un sentiment de transgression, un mal être, car ces pratiques ne satisfont pas à l’ergonomie naturelle des corps ; sans oublier les troubles psychoaffectifs (culpabilité, faible estime de soi, « crises d’angoisse, de violence ou de désespoir paroxystiques[20] ») et relationnelles (perception des relations humaines comme fondées sur un rapport de pouvoir[21]) qui perdureront.


[1] Il est par contre plus difficile de soutenir que la transsexualité (changer de sexe) et toutes les autres formes de sexualités déviantes (pédophilie, zoophilie…) soit commandée par la nature, à moins de penser que leur survenance est due à un « bug » dans le codage génétique.

[2] Cf. Josep-Marie Verlinde (2005), Parcours de guérison intérieure, Tome 2, Presses de la Renaissance.

[3] Pour St Thomas d’Aquin, la sodomie est contre nature puisqu’elle n’a pas de cause finale, c’est-à-dire, qu’elle ne conduit pas à la procréation.

[4] « Sébastien », un homosexuel anonyme qui a écrit une livre témoignage sur ses vingt ans passés dans le milieu homosexuel a d’ailleurs intitulé son ouvrage : « Ne deviens pas gay tu finiras triste », (1998), Editions François Xavier de Guibert.

[5] Selon la psychologue Anouk Beaudin dans «Identité et orientations sexuelles», Vies-à-vies de janvier 2001 (vol. 13, no 3), « Une difficulté d’identification au parent du même sexe semble être une caractéristique fondamentale chez la plupart des homosexuels. Au lieu de se tourner vers le père pour lui ressembler, le futur homosexuel se soumettra au père et restera principalement identifié à sa mère. Il voudra avoir le père et non être comme le père. Chez la fille, une fixation au père par une affection incestueuse soutenue va entraîner une identification paternelle et favoriser le choix de partenaire homosexuel. Ces difficultés peuvent découler, entre autres, d’une autorité parentale excessive, d’une trop grande proximité du parent du sexe opposé ou d’une faible présence psychologique ou physique du parent du même sexe.

En fait, les configurations familiales peuvent être très différentes. La caractéristique fondamentale est l’impossibilité, pour l’enfant, de s’identifier suffisamment au parent du même sexe. Par ailleurs, une situation familiale idéale n’empêche pas que surviennent des événements traumatisants (viol, agression…) pouvant avoir une influence définitive sur l’enfant. Il est alors possible que le comportement homosexuel ou bisexuel ne corresponde pas à la structure dominante de la personne. Dans ce cas, le choix sexuel ne serait donc pas en harmonie avec la nature profonde de l’individu. »

Verlinde (2005) mentionne également comme autres raisons : la prise de conscience par l’enfant que son sexe ne correspond pas à l’attente des parents, ou l’incapacité de rivaliser avec les autres enfants du même sexe dans la fratrie.

[6] Ils peuvent être de tous ordres :viol, inceste, attouchement, voyeurisme, exhibitionnisme et autres comportement pervers. De nombreuses études tendent à montrer qu’une forte proportion d’homosexuels ont été abusés sexuellement dans leur enfance. Le pasteur Lytta Basset (2004, p.129) qui suit des personnes ayant des attraits homosexuels remarque ainsi : « Je suis frappée par la proportion importante de ceux qui, parmi ces hommes ou ces femmes, ont été victimes d’abus sexuels, d’incestes ou de viols pendant leur enfance ou leur adolescence. Je n’ai pas suffisamment travaillé cette question mais j’ai l’impression que leur identité sexuelle a été massacrée. Comme si, après avoir été envahis dans leur territoire, ils ne savaient plus qui ils étaient. » in Lesegretain C., 2004, Les chrétiens & l’homosexualité L’enquête, Presses de la Renaissance.

[7] C’est ce que dit le Magistère de l’Eglise. « Bien qu’elle ne soit pas en elle-même un péché, l’inclination particulière de la personne homosexuelle constitue néanmoins une tendance, plus ou moins forte, vers un comportement intrinsèquement mauvais du point de vue moral. C’est la raison pour laquelle l’inclination elle-même doit être considérée comme objectivement désordonnée. » in Lettre aux Evêques de l’Eglise catholique sur la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles, octobre 1986, La Documentation catholique, n°1930.

Le Catéchisme pour adulte publié par les Evêques de France en 1991 (n°607) dit : (…) « Refusant de s’affronter à la différence sexuelle, l’homosexualité est une déviation objectivement grave. Souvent victimes de leur éducation ou du milieu ou ils ont vécu, les personnes homosexuelles doivent être reçues et accueillies avec respect, mais dans la vérité. On doit les aider à dépasser leur déviation et à en porter les souffrances. Il ne faut d’ailleurs  pas confondre les tendances homosexuelles, qui peuvent être vécues dans une chasteté parfois difficile, avec les actes homosexuels. Mais une société qui prétend reconnaître l’homosexualité comme une chose normale est elle-même malade de ses confusions. »

Le Catéchisme de l’Eglise catholique (1992) (n°2358) dit : « Un nombre non négligeable d’hommes et de femmes présentent des tendances homosexuelles foncières. Ils ne choisissent pas leur condition homosexuelle ; elle constitue pour la plupart d’entre eux une épreuve. (…) On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste. »

[8] Même si ce changement s’opère parfois après un très long cheminement.

[9] Il existe d’ailleurs plusieurs types de thérapies qui permettent à un homosexuel de redevenir hétérosexuel  et qui obtiennent des résultats probants. Pour un parcours plus spirituel, Cf. également Josep-Marie Verlinde (2005), Parcours de guérison intérieure, Tome 2, Presses de la Renaissance.

[10] Didier Dumas (2004), relève toutefois une vision positive de l’homosexualité dans le chamanisme des Indiens d’Amérique du Nord. in Lesegretain C. (2004), op.cit.

[11] in Lesegretain C., 2004, Les chrétiens & l’homosexualité L’enquête, Presses de la Renaissance.

[12] Paradoxalement, la formation d’une « communauté » participe d’un mouvement de ghettoïsation volontaire, lequel se traduit notamment par l’apparition de quartiers gays dans certaines villes.

[13] Ici encore, le vocabulaire est miné. L’invention du vocable « homophobe » vise à renvoyer la pathologie du côté des personnes hétérosexuelles: ce sont celles qui n’acceptent pas l’homosexualité qui souffrent de névrose et qui ont besoin de se faire soigner ; ce sont elles qui sont culpabilisées et qui doivent se justifier.

[14] in Lesegretain C. ( 2004), op.cit. 

[15] Sébastien (1998) évalue qu’il a eu environ 3000 partenaires en 20 ans sans être particulièrement insatiable. Xavier Lacroix (2004, p.265) soutient que selon certaines enquêtes aux EU et en Europe, il n’est pas rare qu’un homme homosexuel ait plus d’un millier de partenaires sexuels dans sa vie. Voir également Jacques Arènes (2004, p.67) (in Lesegretain C., (2004) op.cit. Sébastien (1998) évalue qu’il a eu environ 3000 partenaires en 20 ans sans avoir été particulièrement insatiable.

[16] MORT OU FIF: Contextes et mobiles de tentatives de suicide chez des adolescents et jeunes hommes homosexuels ou identifiés comme tels. Et perspectives de prévention. 2000, Par Michel Dorais, Ph.D. Professeur - Faculté des sciences sociales - Université Laval, et Simon Louis Lajeunesse, étudiant en sociologie, Université Laval, Québec, Canada.  Le mot «fif» signifie «pédé» en français québécois. Cette étude s’efforce d’établir un lien entre la stigmatisation sociale de l'homosexualité et le nombre élevé de tentatives de suicide chez les garçons homosexuels ou identifiés comme tels. En France,voir Jean–Marie Firdion et Eric Verdier, 2003, Homosexualités et suicide, Paris, H&O éditions

[17] De nombreuses études tendent à montrer que les homosexuels sont surreprésentés dans la population pédophile. Par exemple, Ray Blanchard, et al., "Fraternal Birth Order and Sexual Orientation in Pedophiles," Archives of Sexual Behavior 29 (2000). Cette étude a montré que les homosexuels représentaient  25% d’un échantillon de 260 pédophiles. Or selon Dan Black, et al., "Demographics of the Gay and Lesbian Population in the United States: Evidence from Available Systematic Data Sources," Demography 37 (May 2000), le nombre d’homosexuels mâles exclusifs dans la population américaine est de 2.5%, et le nombre de lesbiennes exclusives de 1.4%. Le Psychanalyste Jacques Arènes (2004, p.65), affirme ainsi : « Je ne suis pas persuadé que la pédophilie homosexuelle n’ait rien à voir avec l’homosexualité…Je sais qu’il s’agit là d’un tabou mais il me semble qu’on ne peut pas séparer complètement l’homosexualité masculine et la pédophilie. Plus exactement, l’attrait pour l’éphèbe existe chez beaucoup de personnes homosexuelles. (…) Pour un homosexuel, rêver de faire l’amour à un éphèbe, c’est comme posséder sa jeunesse . »

[18] Les thèmes pédophiles et notamment celui de l’intimité intergénérationelle (homme/garcon) abondent dans la littérature et la culture homosexuelle. André Gide dans Corydon (1924), défend ouvertement la pédérastie en décrivant la relation entre un « aîné » et un « garçon », et en la présentant comme une passion conforme à la nature. Certains activistes homosexuels le défendent comme un droit gay. Helmut Graupner, "Love Versus Abuse: Crossgenerational Sexual Relations of Minors: A Gay Rights Issue?" Journal of Homosexuality 37 (1999): 23, 26. Il écrit : "Man/boy and woman/girl relations without doubt are same-sex relations and they do constitute an aspect of gay and lesbian life." 

[19] D’après Laupiès (2004, pp90-91), « Les personnes homosexuelles peuvent avoir une forte nostalgie du « paradis symbiotique » de la relation mère-enfant. Elles ont tendance à ressentir de manière particulièrement vive la perte de cet éden du début de la vie. »

[20] Josep-Marie Verlinde (2005, p.75) : « Un des aspects de l’homosexualité que les groupes de pression passent habituellement sous silence, et qui ressort pourtant de façon criante dans l’accompagnement de ces personnes dont le besoin d’amour a été frustré et donc le développement psychoaffectif a été interrompu, est précisément la tension énorme entre les sentiments refoulés d’agressivité et de culpabilité. Ce conflit intérieur entretient un mal-être profond, qui peut se trahir dans des crises d’angoisse, de violence ou de désespoir paroxystique. »

[21] Par exemple, d’après Vincent Laupiès (2004, p.90) : « La différence qui semble s’imposer dans le vécu de la personne homosexuelle est la différence fort/faible. A l’extrême, il lui semble que, dans chaque relation, il y a une petit et un grand, un gagnant et un perdant. La personne peut avoir un sens suraigu du pouvoir dans les relations humaines. » in Lesegretain C., 2004, Les chrétiens & l’homosexualité L’enquête, Presses de la Renaissance.

26 juin 2007

15. L’angoisse de l’être : une angoisse métaphysique

Tout homme est confronté à l’angoisse de l’être[1], à l’angoisse d’être que Pascal a si bien décrite : « Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même ; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses ; je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme que cette partie même de moi qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et ne se connaît non plus que le reste.

« Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’en un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de tout celle qui me suit. Je ne vois que des infinités de toutes parts, qui m’enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir ; mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne saurais éviter. (in Pensées, Article III De la nécessité du pari, 194-427).

Cette angoisse est métaphysique. L’homme a besoin de découvrir le sens de la vie ; il a besoin de trouver un sens à sa vie. Qui suis-je ? Chacun demeure une énigme à soi-même. L’homme s’interroge sur sa raison d’être et fait l’expérience d’une inquiétude existentielle, d’un « mal-être ». L’intelligence humaine tend naturellement  à dépasser les limites du monde sensible et à se poser des questions qui dépassent le donné sensible. L’intelligence humaine cherche à connaître le pourquoi des choses et pas uniquement le comment. La vraie question qui hante l’homme ce n’est pas celle du comment (à laquelle s’efforce de répondre la science) mais celle plus fondamentale du pourquoi, à laquelle la science ne sait répondre. Pourquoi ? C’est la question préférée des enfants, celle qui désempare le plus les adultes.

Seule la métaphysique peut essayer de répondre à cette question. C’est pourquoi elle constitue un besoin essentiel de l’homme. Tous les grands philosophes le reconnaissent. Kant qui a pourtant contribué à la discréditer.n’en reconnaissait pas moins le caractère irréductible du questionnement métaphysique. L’homme est un être métaphysique. Heidegger dans Qu’est ce que la métaphysique ? soutient que : « La métaphysique appartient à la « nature de l’homme ». (…) La métaphysique est l’événement fondamental de notre existence. Elle est notre existence même. »

Cette inquiétude métaphysique peut parfois prendre la forme d’une révolte. Pour Albert Camus (1967) « La révolte métaphysique est le mouvement par lequel un homme se dresse contre sa condition et la création tout entière. Elle est métaphysique parce qu’elle conteste les fins de l’homme et de la création. »  in L’homme révolté.

La condition de l’homme est-elle pour autant une condition « d’humilié », comme l’affirme Freud du fait des trois découvertes majeures qu’ont été l’héliocentrisme, l’évolution et la psychanalyse ?

Tout d’abord, il convient d’observer que ces trois découvertes n’ont pas le même statut scientifique.

La théorie héliocentrique de Copernic est incontestable, elle est démontrée scientifiquement.

La théorie de l’évolution de Darwin, en revanche, est loin d’être démontrée, même dans ces derniers raffinements tels que la théorie des équilibres ponctués. Elle est même une « théorie en crise ». Dans son ouvrage Evolution : une théorie en crise[2], Michael Denton (1985) peut conclure ainsi : « Depuis 1859, pas une seule découverte empirique ni un seul progrès scientifique n’ont apporté la moindre validation aux deux axiomes de base de la théorie macro-évolutionniste de Darwin : d’une part le concept de continuité de la nature, c’est-à-dire l’idée d’un continuum fonctionnel de formes de vie enchaînant toutes les espèces et remontant jusqu’à la cellule primordiale ; et, d’autre part, l’idée que le projet adaptatif de la vie est entièrement le résultat d’un processus aléatoire aveugle. En dépit d’un siècle d’efforts intensifs de la part des biologistes évolutionnistes, les principales objections soulevées par les critiques de Darwin comme Agassiz, Pictet, Bronn et Richard Owen n’ont pas été réfutées. »

C’est encore plus vrai de la psychanalyse qui apparaît de plus en plus comme un système de croyances pseudo-scientifiques, une sorte de religion avec son clergé enfermé dans sa tour d’ivoire. Pour étayer mon propos, je ne citerai que les conclusions du rapport de l’association psychanalytique internationale publié en 2002 dont l’auteur principal est le psychanalyste P. Fonagy : « Il n’y a pas d’étude qui permette de conclure sans équivoque que la psychanalyse soit efficace par rapport à un placebo actif ou une autre forme de traitement. Il n’y a pas de méthodes disponibles qui pourraient d’une manière incontestable indiquer l’existence d’un processus psychanalytique.

« La plupart des études ont des limitations majeures qui pourraient conduire ceux qui critiquent la discipline à ne pas prendre en compte les résultats. D’autres études ont des limitations si graves que même un évaluateur qui a de la sympathie pour la psychanalyse pourrait être enclin à ne pas tenir compte de leurs résultats.

« En tant que psychanalystes, nous savons tous que la psychanalyse marche. Notre propre expérience de l’analyse est probablement suffisante dans la plupart des cas à nous persuader de son efficacité. [3]»

Par conséquent, la seule révolution scientifique qui soit avérée est l’héliocentrisme, laquelle ne montre pas que l’Univers n’a pas été créé pour l’homme, mais que la terre tourne autour du soleil. Cette disposition du cosmos peut donner lieu à d’innombrables spéculations qui ne conduisent pas nécessairement à un sentiment d’humiliation. L’héliocentrisme peut tout aussi bien symboliser et rappeler la dépendance ontologique de l’homme. L’homme tourne autour de la source de lumière, elle qui rend la vie possible ; et il lui est donné d’éprouver la nuit pour mieux encore apprécier le jour. En fait, ce que l’homme expérimente à travers l’héliocentrisme c’est l’humilité. Freud, à l’instar de Nietzsche, ne semble pas avoir compris la différence entre humilité et humiliation.    

L'humiliation fait bien sûr partie de la condition humaine. Mais chaque homme s'y trouve davantage confronter au quotidien dans les épreuves de la vie. L'humiliation est de l'ordre de l'expérience personnelle et intime.




[1] Cette chronique est en partie une réponse aux commentaires d’Edouard sur notre chronique n°13.

[2] Voir notamment Michael Denton (1985), Evolution : A theory in crisis, Ed, Burnett Books. Traduction chez Flammarion en 1992.

[3]  P. Fonagy et coll. « An open door review of outcome studies in psychoanalysis, 2002. Document disponible :ipa@ipa.org.uk. Voir aussi Rapport INSERM, 2004, Psychotérapie : Trois approches évaluées », Résumé en ligne :www.inserm.fr. Voir également Le livre noir de la psychanalyse, 2005, (sous la direction d Catherine Meyer), éditions les arènes dont le sous-titre est « Vivre, penser et aller mieux sans Freud. ». Cet  ouvrage collectif  qui rassemble des contributions de spécialistes  montre que la psychanalyse est dépassée et de plus en plus déconsidéré dans le monde en tant que thérapie et de ce fait en perte de vitesse, sauf en France et en Argentine…

15 juin 2007

14. L’intelligence ne peut saisir que le discontinu (2)

Suite aux commentaires et objections de mon ami Edouard, nous poursuivons notre réflexion sur la nature de l’intelligence humaine entamée dans notre chronique n°11.

D’après Edouard, notre conception est trop simpliste et il avance trois arguments principaux :

  1. La philosophie d’Héraclite fonde une philosophie non cinématographique, une philosophie du devenir donc

  2. En mathématique, il est possible d’appréhender la dynamique comme l’illustre la notion de dérivée

  3. En sciences sociales, la loi conditionnelle de Weber. Telle action interviendra dans la mesure où telle autre se produit.

Nous commencerons par le point (2), celui des mathématiques. Je ne suis pas mathématicien, aussi serait-il bon qu’un mathématicien entre dans le débat pour nous mettre d’accord. Selon ma compréhension de la dérivée, celle-ci me semble au contraire apporter de l’eau à mon moulin car elle illustre justement le caractère discret de l’appréhension du mouvement. La dérivée opère une simplification pour connaître l’évolution d’une fonction f lorsque sa variable x change en un point. Par exemple,  l’évolution d’une fonction de second ordre est rendue par une fonction linéaire de 1er ordre. De même, l’évolution d’une fonction de 1er ordre :y = ax + b est estimée par la constante a. Ainsi une courbe est estimée par une succession de tangentes (de droite qui suivent la direction de la courbe). La dérivée est une réduction discrète de l’évolution d’une fonction. Elle confirme bien que l’esprit humain est obligé pour connaître l’évolution de décomposer, de réduire, de ramener à du discret, du discontinu.

Sur un mode plus opératoire, lorsque la physique veut appréhender la matière au niveau des particules atomiques, elle utilise la mécanique quantique, qui n’est autre qu’une description statistique en termes de probabilité (c'est une théorie statistique et rien d'autre) et donc une description discrète, discontinue.

On rencontre ici les limites du savoir humain.

Concernant l’argument de « la loi conditionnelle » de Weber (2). Je ne suis pas familier avec cette notion. Je ne peux donc me fier qu’à ce qu’en dit Edouard. Or, ce qu’il décrit, « Telle action interviendra dans la mesure où telle autre se produit. », ainsi que son exemple de géopolitique me semble relever de l’analyse rationnelle suivant le principe de causalité, qui nécessite bien de fixer un état initial et d’envisager le passage à un état final ; ces deux états étant relativement figés comme deux images au cours de l’analyse causale qui vise ici à l’anticipation et à la prévision.

Passons à l’argument philosophique (1). Il faut tout d’abord admettre qu’il est difficile de saisir la pensée d’Héraclite car (1) le matériau doctrinal disponible est assez maigre, et (2) le style de l’auteur est obscur.

(1) Ainsi, on ne sait pratiquement rien de son œuvre, pas plus que de sa vie du reste. La seule chose dont nous disposions ce sont des Fragments sous forme de citations, de sentences : quelques phrases en somme! 137 fragments de quelques lignes ! On dispose en outre de citations dans l’œuvre d’autres auteurs et de quelques petites synthèses de la pensée héraclitienne par quelques doxographes. Diogène Laërce, le plus important d’entre eux, témoigne de la pensée d’Héraclite près de huit siècles après sa mort et avec à sa disposition un matériau dont nous ne savons rien.

(2) A cela s’ajoute un style mystérieux, qui lui ont valu les surnoms d’Obscur et d’Enigmatique. Socrate, Platon et Aristote dénonçaient la difficulté qu’il y a à le lire. De même, plus tard Plotin s’en plaignit : « Il semble enseigner au moyen d’images, sans avoir le souci de nous rendre claire sa doctrine ; peut être pense-t-il qu’il nous faut chercher par nous-mêmes, tout comme il a cherché et trouvé par lui-même. [1]». Le style d’Héraclite est poétique et mystérieux. Il utilise beaucoup de figures de rhétoriques (métaphores, chiasmes, métonymies).

Dès lors, comprendre la pensée d’Héraclite constitue une véritable gageure !

Ceci étant dit, nous essaierons très prochainement de réfléchir sur la pensée d’Héraclite.

Nous ferons à ce stade une première remarque. Notre propos, qui s’appuyait sur l’autorité de Bergson, visait à décrire le plus objectivement possible le fonctionnement de l’intelligence humaine, de la raison. Or Héraclite n’a pas décrit le fonctionnement de l’intelligence humaine ; la manière dont les hommes pensent objectivement le réel. Il a posé un regard nouveau sur le réel. Héraclite a élaboré un discours sur le réel qui énonce que « tout est en devenir », que « tout coule ». au même titre que le Bouddha avait porté un nouveau regard en affirmant que le monde est une illusion. Mais son discours est un discours sur le réel pas sur l’intelligence humaine.


[1] Traité 6 (IV,8),1,15-17

7 juin 2007

13. La science va-t-elle réfuter l’athéisme ?

Commentaires sur l’entretien entre André Comte-Sponville et Jean Staune, publié dans le Figaro du samedi – dimanche 3 juin 2007 dans la page débats.

L’entretien porte sur l’ouvrage que vient de faire paraître Jean Staune, Notre existence a-t-elle un sens ? aux Presses de la Renaissance.

L’entretien débute sur une question du Figaro à André Comte Sponville qui lui demande d’expliquer pourquoi il est matérialiste.

ACS en bon professeur commence par définir ce qu’est le matérialisme au sens philosophique : « Le matérialisme est d’abord une position métaphysique : c’est penser que tout est matière ou produit de la matière. » Autrement dit, seule est réel la matière, la matière est la seule réalité ; notre univers matériel est le seul niveau de réalité. 

Le concept de matière est ici entendu dans son sens philosophique de catégorie recouvrant tout ce qui existe indépendamment de l’esprit rappelle ACS.

Puis ACS précise ce qui oppose fondamentalement le matérialisme à l’idéalisme : « La vraie question est de savoir ce qui est premier :est-ce l’esprit qui crée la matière, ou la matière (qu’elle soit énergie, ondes ou corpuscules) qui produit l’esprit ? L’idéalisme défend la première position ; le matérialisme la seconde (...). »

Cette question est en effet cruciale car de la réponse donnée dépend la possibilité de l’existence de Dieu, de l’existence d’une âme immatérielle et immortelle, et la possibilité pour l’homme d’une vie après la mort.

Pour les matérialistes, l’Univers est incréé. Ce qui veut dire qu’il est éternel : il n’a jamais commencé et il ne finira jamais. C’était la vision des Grecs qui croyaient en l’éternité du monde, de Parménide à Aristote. Dans le matérialisme, il n’y a pas d’esprit qui a créé le monde comme c’est le cas dans la conception judéo-chrétienne (Dieu étant pur esprit).

De cette métaphysique dérive une anthropologie particulière. Pour un matérialiste tel que ACS, l’homme n’est qu’un corps. C’était la conception de Thomas Hobbes, le père de la philosophie politique moderne dont est sortie la démocratie moderne et le libéralisme[1]. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans de prochaines chroniques.

D’où l’on tire trois corollaires principaux:

-         Premier corollaire, il n’y a pas de vie après la mort. Il est impossible que je survive à mon corps puisque que je ne suis que matière et que l’expérience m’enseigne qu’elle disparaît après la mort.

-         Deuxième corollaire, c’est la « nature incréée qui finit par engendrer la pensée dans le cerveau humain. » La matière est donc susceptible de penser et elle y parvint - on s’en doute - à travers l’évolution qui fit de nous l’espèce animale la plus développé bien que proche parent du chimpanzé (avec 98% de gènes communes selon ACS)[2].

-         Troisième corollaire : les religions sont des inventions de l’homme. C'est le reproche que JS adresse à ACS dans l'article.

Pour un matérialiste comme ACS nous ne sommes qu’une espèce animale évoluée qui a produit un certain nombre de prodiges (science, art…)[3].

La définition du matérialisme et ses principales implications étant posées, ACS aborde le vrai sujet de l’entretien, le matérialisme est-il remis en cause par les évolutions scientifiques ? Pour lui, c’est sûr, « La métaphysique n’est guère soumise aux aléas de la physique ! » et « la matérialisme est en rien bouleversé par les évolution scientifiques ! »

Or pour Jean Staune, les nouvelles connaissances scientifiques changent la vision du monde et affaiblissent le matérialisme. Selon lui, deux piliers du matérialisme sont fragilisés : (1) l’objectivité intrinsèque de la matière et (2) la réductibilité de la conscience humaine à la production d’un organe cognitif (un corps).

(1) Concernant l’objectivité de la matière, JS invoque la physique quantique. Il avance comme argument que les caractéristiques des particules dépendent de la façon dont on les observe. En réalité, le principe d'Heisenberg selon lequel on ne peut connaître la position et la vitesse d'une particule au même moment ne révèle qu'une limite humaine dans le domaine de la mesure et de la description de la matière[4] et rien sur la nature même de la matière, il ne remet donc pas en cause l'objectivité de la matière ; cette objectivité n'étant simplement pas atteignable par l'homme. Sur ce point, le reproche de ACS de confondre la connaissance du réel et le réel semble assez juste. JS est présenté comme un idéaliste par le Figaro. On comprend alors que cette subjectivité de la matière lui plaise car elle correspond bien à la vision idéaliste selon laquelle le réel et la matière ne sont pas informés ; ils sont inintelligibles (Kant) et il n’y a d’être et de réalité que dans la conscience.

(2) Quant à la réductibilité de la conscience humaine à la production d’un organe cognitif, Staune nous apprend que « de récentes et multiples expériences ont déstabilisé la certitude que la conscience serait le produit du cerveau. » Cette affirmation donne envie de lire son ouvrage pour en savoir davantage.

Puis ACS engage le débat sur la question sous-jacente à cette remise en cause du matérialisme : la croyance en Dieu. Or, il  affirme que de toute façon aucun philosophe sérieux ne nie que la croyance en Dieu est possible ; tout philosophe admet que l’on ne peut prouver ni son existence ni son inexistence. Ce n’est pas exact, les philosophes matérialistes (devrait-on dire conséquent ?) considèrent en toute rigueur l’existence de Dieu comme insoutenable (La Mettrie, le baron d’Holbach, Helvetius, Diderot, Marx) ; et ils sont ouvertement athées (ou panthéistes à leur insu puisque leur position revient à considérer l’univers comme l’être absolu, l’être divin).

A part Hume, les auteurs que cite ACS pour étayer son propos ne sont pas matérialistes : Kant (idéaliste et luthérien), Pascal (catholique janséniste), ou Montaigne (lequel n’était d’ailleurs pas vraiment métaphysicien et qui, bien que sceptique et pessimiste, mourut pendant qu’il assistait à la messe !).

ACS ne semble pas très au clair sur les questions de foi et de judéo-christianisme.

Sa définition de la foi paraît confuse et assez faible : « la foi ne relève pas tant du jeu de l’argumentation, et encore moins de l’histoire des sciences,  que de l’évolution des mentalités. » Qu’entend-il par évolution des mentalités ? Ce n’est pas très clair. En disqualifiant le jeu de l’argumentation, il semble faire sienne  la vision luthérienne et kantienne d'une dichotomie entre foi et raison; la foi étant purement  irrationnelle et subjective. Mais ce n’est pas la vision catholique, laquelle considère la foi comme raisonnable et l’existence de Dieu comme pouvant être prouvée par la raison (voir notamment St Anselme de Canterbury, St Thomas D'Aquin).

A deux reprises, ACS semble faire une confusion entre idéalisme et judéo-christianisme : (1) au sujet de la création de la matière et (2) au sujet de la vie après la mort (et des retrouvailles possibles !).

(1) Dans les différents systèmes idéalistes, il n’y a pas création de matière en tant que telle mais chute de l’esprit dans la matière incréée. Le statut ontologique de cette matière est très faible : ce n’est pas vraiment de l’être pour Platon, ce n’est qu’une apparence, une illusion, un songe comme dans l’hindouisme et le bouddhisme. L’Etre absolu (qui est effectivement pur esprit) est démiurge et non créateur, il façonne la matière première mais il ne la crée pas, il l’informe. Il n’y a que dans la tradition métaphysique judéo-chrétienne qu’il existe deux catégories d’être : l’être incréé (Dieu) et l’être créée (l’univers physique) ; l’univers étant créé ex nihilo par l’Etre absolu.

(2) De même, dans les systèmes idéalistes, il n’y a pas résurrection après la mort mais libération de l’étincelle divine emprisonnée dans la matière et qui peut fusionner avec l’Etre divin hors du monde ou se réincarner. Donc aucune chance de retrouvailles après la mort pour un idéaliste, pour cela il faut être judéo-chrétien !

L’affirmation de JS la plus intéressante dans cet article est celle-ci  : « La physique démontre l’existence d’un niveau de réalité dont on ne peut rien préjuger. (…). Mais l’existence de cet autre niveau de réalité, avec lequel l’homme peut être en contact rappelle les intuitions majeures de toutes les grandes religions (…) fondées sur deux principes : l’existence, précisément d’une autre niveau de réalité et la possibilité d’un lien entre l’esprit humain et cette autre instance. »

Selon JS, « ces principes deviennent beaucoup plus crédibles qu’ils ne l’étaient avant les découvertes de la mécanique quantique, mais aussi de l’astrophysique et de la neurologie, et, cela, c’est réellement nouveau. »

Il reste à lire son livre pour en avoir le cœur net !

Après 19 années de recherche scientifiques et au regard des avancées de la science (astrophysique, biologie, neurologie…), JS en vient à sa poser cette question troublante: « Je me demande simplement si notre Univers existe par lui-même, s’il est sa propre cause ou non. »

Il est toutefois surprenant que Staune ne mentionne pas la théorie du Big Bang au cours de cet entretien alors que celle-ci donne des arguments de poids pour remettre en cause le matérialisme philosophique. Grâce à cette théorie, nous savons que l’univers a commencé, qu’il a connu une genèse, qu’il a une histoire et qu’il est toujours en régime de création, d’évolution et de genèse continuelle de matière nouvelle. La cosmologie (description de l’univers tel qu’il est) est devenue cosmogonie (histoire de l’univers, de sa genèse et des étapes de son développement). Nous savons aujourd’hui que la matière a un âge. Elle n’est pas éternelle comme le pense les philosophes matérialistes. La matière vivante est une matière très récente, et on observe que plus on remonte dans le temps, plus la matière s’amenuise et se simplifie. On doit remonter à l’atome d’hydrogène et plus haut encore.

La métaphysique doit prendre en compte la dimension génétique de l’univers révélée par la science. Bien sûr cette théorie fait davantage plaisir aux métaphysiciens judéo-chrétiens qu’aux métaphysiciens idéalistes !

La question qui se pose ici est en fait celle de l’unité du savoir humain. Il n’est pas tenable d’affirmer que les savoirs humains (philosophie, science…) sont compartimentés et peuvent co-exister sans que l’on cherche à en vérifier la cohérence. Bien sûr une théorie unifiée du savoir humain n’est pas envisageable. Ne serait-ce qu’en physique, les physiciens sont encore loin d’une théorie de la matière unifiant la mécanique quantique et la théorie de la relativité générale.

Pour autant, JS a raison contre ACS de dire que la réflexion philosophique dépend du donné que les sciences positives découvrent même si celle-ci n’est pas asservie par tel ou tel résultat chiffré, telle ou telle mesure, ou telle ou telle théorie.

En fait, il semble qu’il en a toujours été ainsi. Qui niera que les révolutions newtonienne, copernicienne ou darwinienne n’ont influencé l’évolution de la philosophie ? Les révolutions scientifiques des derniers siècles ont changé la vision du monde et ont notamment été instrumentalisées pour discréditer ou réfuter la métaphysique judéo-chrétienne créationniste. Il serait alors malhonnête intellectuellement de laisser de côté aujourd’hui les implications métaphysiques des nouvelles découvertes scientifiques sous prétexte qu’elle redonne des couleurs à la métaphysique judéo-chrétienne.

JS a par conséquent raison d’appeler les philosophes à prendre en compte les avancées de la science. La philosophie n’est d’ailleurs pas la seule discipline a intégré avec retard l’évolution de la science. En économie, par exemple, la théorie économique demeure toujours tributaire de la vision mécaniste newtonienne et n’a pas encore intégré les révolutions carnotienne et darwinienne dans l’explication des phénomènes économiques[5].

La philosophie ne serait bien sûr dépendre absolument de la science ; celle-ci ne doit pas se fonder sur des théories scientifiques dont on sait la fragilité et le caractère évolutif. Mais a contrario, elle ne peut être autonome par rapport à la science car elle se couperait alors du réel. Un discours coupé du réel, n’est-ce pas la définition d’une idéologie ?

[1] Il faut saisir l’importance de cette conception de l’homme qui a connu une grande postérité à partir de Hobbes. Pour Gérard Mairet (2000, p.12), dans la préface à l’édition folio essais du Léviathan, ce livre “est le livre des définitions d’un monde qui est encore le nôtre” car il a réformé le vocabulaire de la philosophie. Il est à l’origine de notre moralité. Il est Le moderne. Le Léviathan est le livre d’une fondation. Hobbes compare sans modestie son Léviathan à la République de Platon. Il a bien conscience d’opérer une refondation ; il affirmait même qu’il était l’inventeur de la philosophie politique. Il voulait d’ailleurs que son œuvre forme la base de l’enseignement universitaire de son temps. Pour Manent (1987, p.77), dans Histoire intellectuelle du libéralisme dix leçons, « Hobbes peut être dit le fondateur du libéralisme parce qu’il a élaboré l’interprétation libérale de la loi : pur artifice humain, rigoureusement extérieur à chacun, elle ne transforme pas, n’informe pas les atomes individuels dont elle se borne à garantir la coexistence pacifique. La pensée de Hobbes est ainsi la matrice commune de la démocratie moderne et du libéralisme. Elle fonde l’idée démocratique parce qu’elle élabore la notion de souveraineté établie sur le consentement de chacun, elle fonde l’idée libérale parce qu’elle élabore la notion de loi comme artifice extérieur aux individus.»

[2] Récemment à Londres, une affiche à l’entrée du Muséum d’Histoire Naturelle montrait un chimpanzé avec pour légende « 99,4% human ? ». On admirera la précision statistique, la différence entre l’homme et le chimpanzé se situe donc probablement entre 0,6 et 2% de gènes. L’affiche du Museum d’histoire naturelle de Londres exprimait toutefois cette estimation sous forme interrogative.

[3] Parmi ces prodiges figurent selon ACS, l’érotisme (l’eros, c’est à dire l’amour de ce qui est utile à soi). Comme par hasard. il ne cite pas les deux formes d’amour qui distinguent peut-être encore davantage l’homme de l’animal :  l’amour d’amitié (philia) et l’amour spirituel (agapè, ou amour de ce qui n’est pas utile à soi), lesquels sont aussi des inventions de l’espèce humaine !

[4] Selon Renaud Guillemin, chercheur au Laboratoire de Chimie - Physique - Matière et Rayonnement de l’université Pierre et Marie Curie, « ces limites sont inhérentes aux mathématiques. Le principe d'incertitude est une conséquence mathématique. Nos mathématiques ne sont qu'un produit de notre logique et de notre capacité d'abstraction. Les mathématiques ne sont qu'un outils humain pour appréhender le monde. »

[5] Voir par exemple, Nicholas Georgescu-Roegen, 1979, La décroissance, Editions Sang de la terre


4 mai 2007

12. La question du déterminisme génétique dans la pensée de Sarkozy

Réflexions sur le débat entre Nicolas Sarkozy et Michel Onfray « sur l’inné » dans Philosophie magazine n°8.

Nous n’évoquerons ici que le passage le plus polémique :

« N. S. : Je ne suis pas d'accord avec vous. J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense. »

Sarkozy répond en fait à Onfray qui vient de développer un argumentaire sur les déterminismes sociaux suite à sa question sur la liberté de choix de l'homme: 

"N. S. : Mais que faites-vous de nos choix, de la liberté de chacun ?

M. O. :
Je ne leur donnerais pas une importance exagérée. Il y a beaucoup de choses que nous ne choisissons pas. Vous n'avez pas choisi votre sexualité parmi plusieurs formules, par exemple. Un pédophile non plus. Il n'a pas décidé un beau matin, parmi toutes les orientations sexuelles possibles, d'être attiré par les enfants[1]. Pour autant, on ne naît pas homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile. Je pense que nous sommes façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement, par les conditions familiales et socio-historiques dans lesquelles nous évoluons. "

Donc Onfray semble ne pas croire à la responsabilité morale de l'homme, ou la minimiser fortement, puisque nous sommes le produit d'un conditionnement socio-familio-culturo-historique. On ne choisit pas d'être pédophile.

Déterminisme génétique ou déterminisme social, les deux doivent être à mon avis renvoyés dos à dos : la liberté de l'homme demeure en dépit de toutes ces influences.

Sarkozy réagit et avance alors l'argument de l'inné. Je note que Sarkozy "incline à penser", ce qui n'est pas une affirmation péremptoire. Certes il semble donner un poids excessif au déterminisme génétique, mais il reconnaît implicitement un rôle aux circonstances en disant les "circonstances ne font pas tout. La part de l’inné est immense » ; il ne dit donc pas que les circonstances ne jouent aucun rôle.

Surtout si l’on considère qu’il a invoqué auparavant la liberté de l’homme : "que faites-vous de la liberté de chacun?" Et même cette affirmation assez équilibrée sur le rôle de la culture et l’ambivalence de l’homme: "Que l'être humain peut être dangereux. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons tant besoin de la culture, de la civilisation. Il n'y a pas d'un côté des individus dangereux et de l'autre des innocents. Non, chaque homme est en lui-même porteur de beaucoup d'innocence et de dangers. "

Donc, s’il semble accorder un poids excessif à la génétique, sa conception comprend bien les 3 éléments qui font effectivement partie de l'équation : antécédent génétique, influence culturelle et sociale et libre arbitre. Mais il est difficile de savoir à partir de cet extrait le  poids relatif qu'il accorde à chacun.

Extrait : « Nicolas Sarkozy et Michel Onfray - CONFIDENCES ENTRE ENNEMIS
D'un côté, un philosophe athée, antilibéral, hédoniste et libertaire. De l'autre, un candidat à la présidentielle n'hésitant pas à remettre en cause la loi sur la séparation de l'Église et de l'État, un ministre de l'Intérieur rêvant au rétablissement de l'autorité. À notre initiative, les deux hommes se sont rencontrés. On s'attendait à un choc frontal, il a été question de la croyance, du mal, de la liberté, de la transgression.

Voici un court extrait du dialogue qui a provoqué la polémique dans les semaines précédant le premier tour de l'élection présidentielle. Le dialogue intégral, sur 8 pages, est publié dans Philosophie magazine n°8.

Propos recueillis par Alexandre Lacroix et Nicolas Truong / Photographies de Frédéric Poletti

(...)

N. S. :
Je me méfie de cette attitude qui consiste à rechercher pour tout acte, aussi mauvais soit-il, des explications, pour le justifier. Certes, il existe certains déterminismes et des inégalités de condition. Mais rien n'excuse, à mes yeux, l'antisémitisme ou le viol d'une fillette.

M. O. :
Nous sommes d'accord. Mais expliquer, ce n'est pas excuser. Par exemple, beaucoup d'historiens ont travaillé sur l'Allemagne des années 1930, sur la montée du nazisme, sur la mise en place d'une mécanique génocidaire. Ces historiens ne peuvent pas être accusés de complaisance envers l'horreur des camps, ni de justification.

N. S. :
Qu'un grand peuple démocratique participe par son vote à la folie nazie, c'est une énigme. Il y a beaucoup de nations à travers le monde qui traversent des crises sociales, monétaires, politiques, et qui n'inventent pas la solution finale ni ne décrètent l'extermination d'une race. Mieux vaut admettre qu'il y a là une part de mystère irréductible plutôt que de rechercher des causes rationnelles.

M. O. :
Comprendre, cela peut nous permettre d'éviter que ces crimes ne recommencent. Parmi de multiples facteurs explicatifs, on peut affirmer que le peuple allemand a probablement été humilié par sa défaite lors de la Première Guerre mondiale, puis par les conditions du Traité de Versailles, et qu'il a en partie cherché à se venger en concentrant sa haine sur le peuple juif devenu bouc-émissaire. Je ne dis pas que c'est une attitude défendable, mais c'est une mécanique psychiatrique et éthologique assez compréhensible.

N. S. :
La France a été humiliée, bafouée sous l'Occupation. Cela l'a-t-elle conduite à perpétrer un massacre ?

M. O. :
Elle n'en avait pas les moyens. Si les grands crimes de l'histoire, les mauvaises actions ne s'expliquent pas, qu'est-ce qui les provoque ?

N. S. :
Je me suis rendu récemment à la prison pour femmes de Rennes. J'ai demandé à rencontrer une détenue qui purgeait une lourde peine. Cette femme-là m'a parue tout à fait normale. Si on lui avait dit dans sa jeunesse qu'un jour, elle tuerait son mari, elle aurait protesté : « Mais ça va pas, non ! » Et pourtant, elle l'a fait.

M. O. :
Qu'en concluez-vous ?

N. S. :
Que l'être humain peut être dangereux. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons tant besoin de la culture, de la civilisation. Il n'y a pas d'un côté des individus dangereux et de l'autre des innocents. Non, chaque homme est en lui-même porteur de beaucoup d'innocence et de dangers.

M. O. :
Je ne suis pas rousseauiste et ne soutiendrais pas que l'homme est naturellement bon. À mon sens, on ne naît ni bon ni mauvais. On le devient, car ce sont les circonstances qui fabriquent l'homme.

N. S. :
Mais que faites-vous de nos choix, de la liberté de chacun ?

M. O. :
Je ne leur donnerais pas une importance exagérée. Il y a beaucoup de choses que nous ne choisissons pas. Vous n'avez pas choisi votre sexualité parmi plusieurs formules, par exemple. Un pédophile non plus. Il n'a pas décidé un beau matin, parmi toutes les orientations sexuelles possibles, d'être attiré par les enfants. Pour autant, on ne naît pas homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile. Je pense que nous sommes façonnés, non pas par nos gènes, mais par notre environnement, par les conditions familiales et socio-historiques dans lesquelles nous évoluons.

N. S. :
Je ne suis pas d'accord avec vous. J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense.

M. O. :
Puisque notre entrevue touche à sa fin, je voudrais vous offrir quelques cadeaux utiles avant que nous nous quittions.

[Michel Onfray tend à Nicolas Sarkozy ses quatre paquets.]

N. S. [amusé] :
Vous croyez que ma situation est si grave ?

[Nicolas Sarkozy déballe ses livres tandis que Michel Onfray commente ses choix.]

M. O. :
Totem et Tabou, je vous l'offre parce que Sigmund Freud y traite du meurtre du père et de l'exercice du pouvoir dans la horde. L'Antéchrist de Friedrich Nietzsche, pour la question de la religion, la critique radicale de la morale chrétienne à vous qui, parfois, allez à la messe en famille. Michel Foucault, c'est une lecture que je recommande plus particulièrement au ministre de l'Intérieur, adepte des solutions disciplinaires. Dans Surveiller et punir, Michel Foucault analyse le rôle du système carcéral et de l'emprisonnement, puis de leur relation avec la norme libérale. Pierre-Joseph Proudhon, enfin, car il montre qu'on peut ne pas être libéral sans pour autant être communiste.

N. S. :
Ai-je prétendu une chose pareille ?

M. O. [se référant à ses notes] :
Oui, dans votre livre Témoignage, page 237 : « Le communisme, l'autre mot de l'antilibéralisme ».

N. S. :
Vous, vous êtes communiste ?

M. O. :
Ni communiste ni libéral. Je pense qu'il y a des options, notamment libertaires, de gestion du capital qui sont intéressantes et qui reposent sur la coopération, la mutualité, le contrat, la fédération ou les crédits populaires. Proudhon est un auteur qu'on lit peu aujourd'hui, et souvent mal.

N. S. :
Donc, ça vous intéresse, la complexité ?

M. O. :
Bien sûr ! Il vaut mieux qu'on finisse sur un éloge de la complexité que sur le braquage idéologique de la première demie-heure...

ACTE II


À l'issue de la première rencontre, le candidat a invité le philosophe à un petit déjeuner, pour poursuivre l'échange.
« Si je vous ai proposé de revenir me voir, c'est parce que j'y trouve du plaisir. Si vous saviez comme le travail politique est asséchant et répétitif parfois. » Lors de cette seconde séance, ce n'était plus deux personnages publics, mais deux hommes qui discutaient en face à face, de leurs lectures, de leurs conceptions de la loi et de la transgression, de la psychologie des foules. »


[1] PS : C’est nous qui mettons en gras et soulignons. 


30 avril 2007

11. L’intelligence ne peut saisir que le discontinu

L’intelligence ne peut concevoir le devenir. Comme le souligne Bergson dans l’Evolution créatrice, « L’intelligence ne se représente clairement que le discontinu (Chap. II, p155). » Elle ne se représente clairement que l’immobile et l’inerte. Elle est statique par nature. « C’est de l’immobilité qu’elle part toujours, comme si c’était la réalité ultime ou l’élément ; quand elle veut se représenter le mouvement, elle le reconstruit avec des immobilités qu’elle juxtapose.  (p.156)» Elle pense le mouvant par l’immobile, par des états successifs immobiles.

Donc pour Bergson, l’intelligence ne peut saisir le devenir, c’est impossible, et c’est une illusion de vouloir « penser l’instable par l’intermédiaire du stable, le mouvant par l’immobile (p .273)». La pensée ne conçoit que l’immobile, le discontinu, l’inerte. L’intelligence saisit une série d’instantanés qui mis bout à bout donne l’impression de saisir le mouvant, le devenir. « Mais préoccupée avant tout des nécessités de l’action, l’intelligence, comme les sens, se borne à prendre de loin en loin sur le devenir de la matière, des vues instantanées, et par là même, immobiles. (…) Nous n’apercevons du devenir que des états, de la durée que des instants, et, même quand nous parlons de durée et de devenir, c’est à autre chose que nous pensons. » (Chap IV, p.273)

Le mécanisme de connaissance est ainsi de nature cinématographique :

(…) notre perception s’arrange pour solidifier en images discontinues la continuité fluide du réel. (p.302) » « Qu’il s’agisse de penser le devenir, ou de l’exprimer, ou même de le percevoir, nous ne faisons guère autre chose qu’actionner une espèce de cinématographe intérieur. (p.305)»

Ces immobilités permettent à l’intelligence d’aller au-delà du mouvant et du devenir pour rejoindre l’être, pour saisir l’être. Et il semble que ce soit le procédé privilégié par lequel l’homme peut saisir l’être, du moins c’est celui de son intelligence. L’intelligence ne se sent jamais plus à l’aise que face à des solides inertes.  « Nous ne sommes à notre aise que dans le discontinu, dans l’immobile, dans le mort. L’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie. (p. 166)»

Cette faculté de l’intelligence permet à l’homme de distinguer, de séparer, et de fait, d’organiser, d’ordonner, et de hiérarchiser. Ainsi la pensée est donc par essence verticale. L’intelligence est verticale. L’intelligence cherche à saisir quelque chose au-delà du devenir : et ce quelque chose qu’elle découvre, c’est l’être. Le devenir est par essence continu et horizontale.

27 avril 2007

10. L'homme est un être vertical

La verticalité est le propre de l’homme. Pour les paléontologues, elle est le signe de sa sortie de l’animalité ; l’hominisation se caractériserait  précisément par le passage à la position verticale. Ainsi, Mircea Eliade dans Histoire des croyances et des idées religieuses (1976), Tome I, souligne que « la position verticale marque déjà le dépassement de la condition des primates. »

Du fait de sa posture verticale, l’homme appréhende l’espace comme orienté autour d’un centre, qui est lui-même. Mircea Eliade (1976) poursuit ainsi :« C’est grâce à la position verticale que l’espace est organisé en une structure inaccessible aux pré-hominiens : en quatre directions horizontales projetées à partir d’un axe central « haut »- « bas ». En d’autres termes, l’espace se laisse organiser autour du corps humain, comme s’étendant devant, derrière, à droite, à gauche, en haut et en bas. »

27 avril 2007

9. L’être est premier non le devenir.

Notre première expérience sensible est celle du mouvement, du devenir. La première évidence du monde physique est celle du mouvement. Nous expérimentons en premier le devenir. Dans le monde physique, il n’y a pas de repos, tout est toujours en mouvement. On peut parfois avoir l’impression d’une certaine permanence, mais elle n’est que temporaire. On demeure toujours dans le devenir. Aristote dit ainsi : « Ignorer le mouvement, c’est nécessairement ignorer aussi la nature. » Physique, III, 1, 200 b 14-15.

Plusieurs attitudes philosophiques ont été adoptées par rapport à ce constat empirique.

Parménide a choisi de nier le devenir. Pour lui, il n’y a pas de devenir car cela impliquerait le passage du non-être à l’être, donc l’existence du non-être. Comme le non-être est impensable, il n’y a que de l’être sans devenir[1]. Cet immobilisme de Parménide n’est évidemment pas tenable car il en vient à nier l’existence du mouvement et du changement, et de ce fait toute valeur à l’expérience sensible.

A l’opposé, Héraclite soutient que tout est en mouvement. Il demeure dans le devenir car il ne le distingue pas de l’être.

Pour Aristote,  le changement ne signifie pas nécessairement un passage du non-être à l’être mais il peut se comprendre comme un passage à l’acte de ce qui n’était qu’en puissance. La distinction entre être en acte et être en puissance permet de sortir des apories de Parménide, et d’Héraclite. Le devenir c’est l’actualisation des choses qui ne sont qu’en puissance.

Il faut distinguer être et devenir mais il ne faut pas les séparer comme le font Parménide et Héraclite car comme l’affirme le père Philippe dans Retour à la source (2005), « En séparant l’être du devenir, nous détruirions le devenir en identifiant le devenir au non-être et l’être à l’être divin. »

C’est l’existence d’un être qui intéresse en premier lieu et ensuite son devenir. Le devenir est une manière d’être, une manière d’exister. On ne peut séparer être et devenir. À travers le devenir, on cherche à toucher ce qui est et il faut bien que quelque chose demeure dans le devenir. La matière n’est pas un continuum en écoulement perpétuel ; elle passe d’un état à un autre état.

[1] Dans son Poème, Parménide ne contexte pas l’existence du devenir mais l’attribue à un abus de langage.


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